mercredi 30 mai 2007

Boeuf musqué, encore la suite


Je repars sur la laine feutrée après cette série autour des souvenirs d'enfance. Ce ne sont pas les idées de chroniques qui manquent mais je ne voudrais pas avoir la main qui rouille à force de ne m'en servir que sur un clavier ! Alors je reprends l'aiguille et la laine cardée pour continuer ce boeuf musqué qui me fait de la peine à rester ainsi en attente, sans regard.

Cette fois j'ai traité l'espèce de casque que fait la base des cornes, la texture du chanfrein et le début des naseaux. Il arrive, tout doucettement...

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mardi 29 mai 2007

Les bassins


Il y avait deux bassins dans le hameau, le bassin-du-haut (dessiné ci-dessus), d'usage public, et le bassin dans la cour de la ferme, d'usage quasi-public, du moins la partie la plus proche du portail, celle qui était hors de portée des chiens attachés.

Le bassin-du-haut était en quelque sorte un gage d'autonomie pour nous, les enfants, puisqu'il nous permettait de nous désaltérer sans retourner dans nos maisons respectives. Il s'agissait de se pencher pour mettre nos mains en creux sous le filet d'eau et de boire dans la conque peu étanche ainsi créée. Peu pratique parce que le bassin était bas, qu'il fallait se pencher en bloquant les genoux contre le rebord de la plaque de pierre et le temps de se redresser, les mains étaient vides ou presque et de toutes façons, elles n'étaient pas toujours très propres, nos mains. La "vraie" manière de s'abreuver était de poser un genou sur la tranche d'une des barres de fer qui servaient de support pour les bassines, de s'appuyer sur la borne d'une main et de boire directement au jet. L'eau coulait sur le menton, elle était froide, revigorante, avec un goût de pierre, elle saisissait et c'était… de la vraie eau qui apaise la soif.

Boire ainsi était un plaisir et une source de petite inquiétude quand nous étions en bande de gamins, avec le risque non négligeable ni négligé de se faire bousculer ou éclabousser pendant l'opération puisque nous étions alors une proie idéale pour toute taquinerie, ainsi en équilibre instable au-dessus du bassin, avec un genou scié par la barre.

Le bassin servait à tout le monde, pour entreposer des bouteilles ou des melons au frais dans un seau posé au fond, par exemple, pour arroser les jardins en amorçant un siphon avec le bout de tuyau qui dépassait, je m'en servais aussi pour frotter et refrotter sur les planches posées en travers mon jeans chéri. À l'époque la mode voulait qu'on achetât ces pantalons à l'état brut, bleu pétrole, rêches, rigides et il fallait les délaver soi-même par l'usage et des lavages répétés et leur donner leur forme en les portant encore humides. On obtenait ainsi LA paire de jeans parfaite mais tellement usée par ces traitements qu'elle devenait vite une loque maintes fois rapiécée et encore plus chérie de ce fait. Ô tempora, ô mores ! Mais j'avais mauvaise conscience de laisser ensuite le bassin empli d'une eau laiteuse de savon qui mettait longtemps à s'évacuer… De plus, j'ai toujours eu du mal à boire ainsi directement au jet au-dessus d'une eau souillée, comme si je n'arrivais pas vraiment à dissocier l'eau qui arrive de celle qui est troublée. Je n'aimais pas non plus quand le bassin était vidé par un arrosage d'importance, c'était comme une offense au côté communautaire de cette eau, ça nuisait aussi à son esthétique, ça modifiait son chant et puis… je n'aimais pas ça, il devenait moins "mon" bassin.

Le bassin-du-haut était donc celui de tout le monde, par conséquent accessible aux enfants. Le grand bassin dans la cour de la ferme, c'était celui des adultes. Tout d'abord, il était beaucoup plus impressionnant, avec des rebords formés de grandes lauzes de pierre calcaire bien plus hautes. Et puis c'était un bassin sérieux, pour le travail. Il servait à entreposer à l'ombre du platane les grands bidons du lait de la traite et les petits bidons individuels que nous allions chercher le soir. On y mettait à tremper le pain qui serait mélangé à du son pour donner aux canards. Sous le filet d'eau il y avait un seau avec des bouteilles de vin rouge pour les soifs de travailleurs pendant les foins. C'est dans ce bassin que nous plongions les bras pour nous débarrasser des petits poux qui nous couraient sur la peau après avoir ramassé les œufs, ce que nous appelions les "pouillons". L'eau était glaciale, ça faisait comme un bracelet serré qui remontait le long du bras et ensuite la peau paraissait brûlante. C'est là aussi que les vaches buvaient à longs traits aspirés au sortir de l'écurie ou au retour, provoquant ainsi une cohue entre celles qui se menaçaient de coups de corne pour marquer leur rang social et leur droit à boire avant les autres, les chiens qui aboyaient parce que c'était leur boulot de chiens et le fermier qui leur criait dessus pour leur rappeler qu'elles avaient autre chose à faire qu'à se remplir la panse d'eau. Après tout, elles avaient aussi à boire dans les champs, avec les baignoires détournées de leur fonction première. Mais peut-être qu'elles aussi préféraient cette eau vivante et fraîche?

Ce grand bassin était très joli, avec le mur de pierres sèches derrière lui, le tronc de l'énorme platane à sa droite et la planche recouvertes de bégonias en pots, énormes et joufflus, qui le surplombait. Et puis, il était pratique: il permettait de prévoir le temps du lendemain! Si la grande lauze frontale était humide, les jeux du lendemain seraient à organiser à l'abri de la pluie. Ça et la couleur du Néron, la montagnette de l'autre côté de la vallée. Si ses falaises étaient roses le soir, c'était mauvais signe. Mais ce n'était pas un bassin pour jouer, il fallait veiller à ne pas faire déborder l'eau sur les dalles de pierre qui en constituaient en quelque sorte le seuil et seraient devenues glissantes. Oui, c'était le bassin des grands, il faisait partie de tous ces signes qui marquent l'existence des vies parallèles des adultes et des enfants.

Vers la fin du "chemin-du-haut", là où il change de nom sur quelques dizaines de mètres pour devenir Cournay, il y avait dans un virage sombre et humide le "bassin aux vipères". Pour quelle raison état-il ainsi nommé? Le mystère reste entier, même si le bassin lui-même a fini par s'assécher et les grandes lauzes qui le bordaient par être récupérées par quelque amateur de vieilles pierres. Je ne vois pas bien ce que des vipères amatrices par essence de terrains secs et ensoleillées seraient allées faire dans cet endroit particulièrement humide et glaiseux, mais bon, il devait bien y avoir une raison et j'imaginais des serpents allant se désaltérer précisément dans cette eau sombre, habitée de têtards au printemps, alimentée par une petite source suintante, rien à voir avec le chant joyeux et sûr des deux grands bassins. Un décor de rencontres de sorcières… et pour tout dire, je ne traînais jamais dans cet endroit!

Tout en bas du hameau, devant la grange du Plantay, il y avait à la base d'une haie un minuscule bassin enchâssé dans le sol. Ses rebords affleuraient l'herbe qui était toujours drue dans cet endroit peu fréquenté, j'aimais m'allonger et plonger le regard, jamais la main, dans son eau ombreuse. Avec un peu de patience ma vue s'acclimatait, je cessais de n'en percevoir que la surface et la vie qui grouillait sur son fond vaseux apparaissait. Larves qui frétillaient doucement sur les feuilles mortes qui jonchaient le fond, répugnantes sangsues attablées autour du cadavre décoloré d'un gros ver de terre et parfois, une salamandre venue déposer ses œufs.

Il y avait encore trois autres bassins dans le hameau voisin, juste sous Cournay mais ceux-là, je ne les connaissais pas, si je peux m'exprimer ainsi, ils ne m'étaient pas familiers et je ne crois pas avoir jamais bu de leur eau.

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vendredi 25 mai 2007

Les vaches (suite et fin)

Voici la suite du texte de ma mère, le chapitre intitulé "En champ les vaches". Je joins en image les lettrines que j'ai réalisées pour illustrer les têtes de chapitre du livre que j'en ai tiré.



Je sais, ce n'est pas français, mais nous, on disait comme ça et tout le pays aussi, donc, on allait "en-champ-les-vaches", point! Au début, ma Mémène et moi, nous y allions avec les grandes. C'était pas mal car on pouvait alors jouer à des jeux d'équipe pour peu que d'autres se joignent à nous. Mais très vite nous partîmes seules. C'était deux bonnes heures de récréation, plus ou moins, ça dépendait si les vaches avaient travaillé juste avant dans l'après-midi, s'il faisait beau, si l'herbe était drue, etc. Si un bon chien de berger nous accompagnait, c'était lui qui faisait le travail. Il y avait les chiens qui aboyaient trop, tout le temps, et dont les vaches finissaient par oublier la présence. Elles donnaient juste un petit coup de corne ou de patte pour éloigner la mouche du coche. Il y avait les chiens "Rantanplan", qui comprenaient tout de travers, une vraie calamité. Et il y avait mon Labri qui connaissait exactement les limites que les bêtes ne devaient pas dépasser, qui arrivait à bon escient derrière elles et n'aboyait qu'au dernier moment. Assis sur son derrière à côté de nous, sa langue rose frétillait dans son poil noir, ses yeux en boutons de bottine, couleur café, souriaient sous sa frange mal peignée. Mon ami-chien…

Le départ pour le pâturage avait lieu plus ou moins à l'heure du goûter. Nous avions chacune un panier, genre couffin, dans lequel nous emmenions, selon notre âge, d'abord de minuscules poupées en celluloïd un peu mou (nous en avons écrasé beaucoup par inadvertance), notre goûter s'il était transportable, plus tard un tricot en cours et un roman à l'eau de rose pour le lire à haute voix. Et selon l'emplacement du pré, nous prévoyions aussi de la ficelle, des allumettes, un vieux journal, et même, tout à fait en fraude, un œuf, une fourchette, du sucre, du chocolat en poudre et un bol. Pendant quelques temps nous avons ainsi savouré une espèce de mousse au chocolat qui nous paraissait délicieuse.

Je rejoignais Mémène chez elle avant le départ et je la regardais préparer son "quatre heures". Elle saisissait l'énorme miche de pain qu'elle bloquait sur sa poitrine et, à l'aide d'un grand couteau tranchant, elle se taillait une immense tartine. Lorsqu'en plus le pain était frais, j'en aurais miaulé d'envie! La croûte épaisse craquait, la mie était blanche et juste à la lisière de la croûte elle était compacte, un peu mal cuite, délicieuse. Et ça sentait bon! Pendant la guerre, c'était particulièrement douloureux de regarder ces tartines. Parfois Mémène m'en donnait une lichette avant que mes yeux ne sortent de ma tête. Sur la tartine s'étalait le fromage blanc saupoudré de sucre ou de la confiture. Ces tartines-là, il fallait les consommer sans attendre et Mémène arrivait pour détacher les chèvres et les vaches avec la bouche pleine.

Enfin, nous partions.

Il y avait une douzaine de prés de pâture: la Grand-Côte, la Plan, les Châtaigniers, le Pré des petits noyers, les Essarts. Accessoirement le Pré du dessus ou le haut du Pra-Giroud. Selon l'endroit, les jeux n'étaient pas les mêmes, on s'adaptait à la conformation du terrain, aux arbres divers, aux formes de leurs feuilles et à la disponibilité des fruits.

La Grand-Côte est un champ très pentu dont le sommet est bordé par la route. En ce temps-là, la route était goudronnée, certes, mais étroite, avec de l'herbe qui poussait en son milieu. Pendant la guerre, il n'y avait plus de voiture, même pas le vieil autocar bleu et avant la guerre, seules les mobylettes et quelques vieilles motos empruntaient la route. Nous pouvions jouer tranquillement sur son bord et même parfois en son milieu. C'est là entre autres que nous pouvions jouer à "béret" si nous étions assez nombreux. Il fallait deux équipes bien rangées en ligne face à face, au milieu on plaçait un béret. Quand l'arbitre criait 1, 2 ou 3, les 1, les 2 ou les 3 se précipitaient pour saisir le béret. On n'avait le droit d'attraper l'adversaire que s'il avait le béret en main, sinon il était intouchable et le contrevenant était puni. Celui qui ramenait le béret dans son coin rapportait un point à son équipe. Ce qui était important, c'était les simagrées que l'on faisait au centre pour feinter l'adversaire.

C'était à Grand-Côte que l'on faisait des "maisons", ou plutôt des plans de maisons, avec de petits cailloux. C'était une maison sommaire, avec une salle à manger-cuisine et une chambre. Bien sûr, nous étions des adultes et après une rude journée (il fallait rentrer du foin, ramasser des pommes de terre – tout petits cailloux ronds), nous étions fatiguées et lorsque chacune dans sa maison nous regagnions notre chambre avec notre époux imaginaire, nous éprouvions un vague trouble délicieux. Les vaches étaient représentées par des sauterelles. Il fallait faire notre provision d'insectes, quatre ou cinq. Dès que nous en avions attrapé une, nous lui arrachions les grandes pattes sauteuses pour qu'elle ne puisse pas s'évader illico de son "écurie". Ça faisait une goutte de liquide marron à l'odeur un peu amère. On leur apportait une poignée d'herbe fraîche qui servait de litière.

Quand l'ombre du soir atteignait une falaise du milieu du Néron (nous l'appelions la baleine à cause de sa forme), nous rentrions. Les vaches n'avaient plus faim et parfois elles faisaient mine de rentrer toutes seules.

La Plan était notre "champ-les-vaches" de luxe. Généralement, on y allait le dimanche, avec le maximum de personnes – des vacanciers, auxquels je ne me suis jamais, au grand jamais, identifiée – on regardait les gens passer sur la route une fois de plus. Mais lorsque nous étions seules, Mémène et moi, c'était une autre histoire car la Plan se termine par une côte assez raide qui aboutit à un petit bois longeant un ruisseau. Sur cette côte, les trous de grillons pullulaient. Avec une paille enfoncée dans le trou, on faisait sortir la pauvre bête affolée. Ensuite, elle ne nous intéressait plus, nous n'étions pas sadiques.

Les étés de grande sécheresse, nous avions aussi le jeu des sacs. En catimini, nous apportions deux sacs (vides) de pommes de terre, en sisal. Nous nous asseyons dessus, redressant les coins du fond entre nos jambes, on raidissait le dos en arrière, les jambes en avant et hop, ça glissait comme une luge jusqu'en bas. Un jour, j'ai atterri juste dans une bouse de vache fraîche, il a fallu me laver dans le ruisseau.

Nous avions les feuilles de châtaigniers pour nous faire des couronnes ou des jupes. Nous avions le châtaignier-du-bas avec sa grosse branche horizontale où nous avancions assises par petits bonds jusqu'au bout où nous devions sauter. C'est là qu'un jour je suis restée accrochée par ma robe, comme un cochon pendu. Denise qui était là riait tellement qu'elle ne pensait pas à me décrocher.

J'aimais beaucoup aller en champ aux Essarts. C'était un vaste pré, loin de la maison. Déjà le chemin pour y aller était plaisant et assez long. On passait par le Pra-Giroud jusqu'à la Sagne puis après un tournant on prenait à travers champ. Là, la vue est belle et on peut courir à toutes jambes, on prend de la vitesse dans la descente et on freine en remontant sur une bosse. Et il y a un vieux pommier dans le tronc en pente douce adopte le profil de la pente. Je ne sais pas ce qui lui a pris de pousser comme ça. Enfin, aux Essarts, on était loin de la maison et de rares fois nous avons fait du feu et grillé des pommes. Après, nous avons rêvé de recommencer.

Souvent, Mémène et moi ne disions rien. Nous regardions la vallée. C'était si beau, si bleu, si doré, si doux. L'une et l'autre nous aimions passionnément ce pays.

Le fait d'aller ainsi en-champ-les-vaches pratiquement tous les jours faisait que je connaissais parfaitement chaque pré, sachant où trouver telle ou telle herbe, serpolet ou menthe, telle ou telle fleur, la touffe de narcisses, la seule du hameau, le champ le plus fleuri de scabieuses, sainfoins, marguerites et boutons d'or, là où poussaient les œillets des Chartreux. À l'automne, je connaissais les ronds de mousserons. À la Pentecôte, le dessous des châtaigniers voyait pointer les asperges sauvages.

Lorsque nous rentrions, gorgées de jeu, de courses, de bavardages et de silences, il fallait encore "rentrer" les vaches et les chèvres, traire ces dernières, "donner aux lapins", parfois encore couper du petit bois… Après, la soupe était bonne!

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jeudi 24 mai 2007

Les vaches (bis)

Aujourd'hui, je me repose puisque le message d'aujourd'hui consiste en un texte écrit il y a quelques années par ma mère sur ce thème des vaches.

Même thème, même vallée et presque les mêmes enfances. Les trente années qui les séparèrent n'avaient pas encore apporté de changement énormes dans le mode de vie ni dans l'aspect de la vallée. Les trente qui suivirent ont complètement modifié le tissu social et l'habitat, mes filles n'auraient pas pu y vivre les mêmes enfances, la même liberté d'aller et venir, la même participation à une vie de village. Elles ont vécu autre chose, elles auront d'autres souvenirs...



Il y avait la Jouille, la Gaillarde, la Rose et la Marquise. Les vaches se succédaient de temps en temps mais c'était toujours le même lot de noms. Quand on leur donnait un ordre, on disait "Jouille-neu!", "Gaillarde-neu!". C'était comme ça, je ne demandais pas pourquoi. Les P. n'ont jamais possédé plus de quatre vaches. La plupart du temps, il y en avait trois. Des vaches d'une variété dite "de Villard de Lans", au poil clair beige-rosé, paisibles, solides, dures au travail, sans surprise. C'était le bien le plus précieux des fermiers de la vallée: elles donnaient du lait, des veaux et effectuaient tous les travaux agricoles. Elles tiraient les lourds chariots de bois aux roues cerclées de fer. À l'arrière du chariot, on "serrait la mécanique" dans les descentes, on desserrait bien sûr dans les montées. La "mécanique" était en fait l'un des seuls outils mécaniques de la ferme.

Les pauvres vaches charriaient de lourds voyages de foin qu'il fallait parfois maintenir avec des fourches dans les tournants lors de la descente. D'autres fois, c'étaient les gros troncs d'épicéas qu'elles ramenaient de la Charmette. Toujours fatalistes, régulières, les vaches ne demandaient rien, que de boire un peu d'eau au bassin du village. Et même, elles connaissaient la route par cœur, lorsque le chariot était vide, nous nous asseyons à l'arrière et les vaches allaient toutes seules, sachant très bien où tourner pour rentrer chez elles. Elles tiraient la charrue, la herse, les tombereaux. Combien étaient précieuses les vaches!

Je me souviens du cérémonial de l'attelage des vaches. Les deux bêtes étaient sorties de l'écurie, rangées bien côte à côte, puis on emboîtait le joug de bois sur leur encolure. Chaque lanière de cuir, chaque taquet de bois avait son nom. Il fallait serrer les liens, mais pas trop, placer le coussinet de cuir sur le front de la vache, poser le timon, glisser le morceau de bois dans le trou pour maintenir l'attache, etc. Je regardais les mouvements synchrones des deux "atteleurs".

J'ai eu une copine vache: la Petite Gaillarde. On l'avait eu toute jeunette et elle, elle avait une personnalité, elle n'était pas docile-docile. Elle était marron clair, un peu comme une Tarine, avec de beaux yeux humides. Elle adorait me lécher les bras et les jambes et venait me rendre visite lorsque nous allions "en champ". Sa langue râpeuse appréciait la saveur salée de la sueur et… la crasse du jour ne l'incommodait pas. Bref, nous nous aimions bien. Puis, elle est devenue "taurelle", c'est-à-dire méchante et incontrôlable et a fini par casser la jambe de Mémène. Elle a disparu.

La Vieille Gaillarde était plus sereine, quoique amatrice de sueur salée, elle aussi. Un jour, à la Grand-Côte, alors que je lisais avec ardeur je ne sais quel livre, elle est venue derrière moi sans bruit et m'a donné un grand coup de langue dans le cou! J'entends encore le bruit de l'herbe arrachée par les coups de langue des vaches. Cratch-cratch.

La Parise avait une corne tournée vers le haut et l'autre vers le bas. C'est sur son dos que je suis remontée de la Monta, Yvonne m'avait hissée là-haut, j'avais dix ans et une robe à carreaux bleus et blancs toute propre. En arrivant, j'avais l'intérieur des jambes marron comme si la vache avait déteint et ma robe ne valait guère mieux. Et puis, ça n'était pas très confortable, le dos d'une vache. Toujours ces sacrées colonnes vertébrales!

Enfin, l'un des plus grands charmes des vaches, c'était qu'elles nous obligeaient à aller "en-champ-les-vaches". Et là, avec Mémène, nous avions nos terrains de jeux. Chaque pré avait sa spécialité, on n'avait pas les mêmes jeux à la Grand-Côte qu'à la Plan ou aux Essarts. Mais c'est une autre histoire!

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mercredi 23 mai 2007

Les vaches


Un de mes plus anciens souvenirs est liée aux vaches. Je devais avoir quatre ans environ. Le souvenir d'être assise, peut-être sur les genoux de ma mère, sur un char à foin, dans le chemin qui descend au Plantay puis à Bellevue, ce chemin étroit et ombragé par une double haie d'érables champêtres, de frênes, de noisetiers, de chênes. Un char à foin tiré par deux vaches, ces grosses vaches beiges au dos rectiligne. Leur museau encagé dans une sorte de muselière en grillage pour les dissuader de brouter. Ce rythme très lent et obstiné de leur marche. La lumière qui changeait selon la densité du feuillage. L'odeur de poussière et de bois sec du char, celle des herbes écrasées par les roues. Les grincements, les couinements de la structure malmenée, du cerclage en fer des roues sur les pierres du chemin, les frottements des branchages sur les ridelles, les cahots qui secouaient le char, la peur de tomber et l'excitation du voyage. Ben si, à quatre ans, aller au Plantay, c'était un voyage!

Pendant ce temps, à quelques kilomètres à vol d'oiseau, se construisait dans la vallée un réacteur nucléaire à haut flux pour la recherche scientifique… Deux univers qui se côtoyaient. Par la suite le "progrès" a fait son entrée dans la ferme: il y eut un tracteur, les roues eurent des pneus, mais il y avait toujours des vaches, pour le lait principalement, et, hélas pour nos âmes sensibles d'enfants des villes, les veaux, bien trop éphémères…

À observer tous ces animaux de la ferme, j'en concevais un grand regret devant tant de banalité. Pourquoi les poules étaient-elles brunes, rouges ou noires? Les chèvres brunes ou blanches? Les lapins bruns, blancs ou noirs? Les cochons d'Inde, je vous laisse deviner… bruns, blancs ou noirs. Et les vaches? Brunes avec du blanc et du noir… Je rêvais de troupeaux de gazelles, de vols d'oiseaux multicolores, d'un peu de variété et de couleurs. Alors j'essayais de considérer les vaches en me mettant dans la disposition d'esprit de quelqu'un qui n'en aurait jamais vu. Les aurais-je trouvé belles? Je ne crois pas. Un bœuf Watusi, avec ses grandes cornes, sa robe fauve dégradée vers un noir profond, dégage une certaine prestance, du moins dans un zoo car je n'en ai jamais approché d'autres. Mais une vache est tellement mal fichue avec les os de ses hanches saillants, ses sabots écartés et retroussés, ses pis ballotants, ce cou flasque et pendouillant par en-dessous, son échine barbelée. Bref, rien à faire, je n'arrivais pas à les trouver belles. Seules les Tarines étaient plus élégantes avec leur regard ourlé de noir, leur museau retroussé, un aspect général plus… net, plus rassemblé. Mais elles avaient la réputation d'être plus méchantes que les autres qui étaient de braves Abondances blanches et brunes, fort placides. Je me souviens notamment d'une Tarine qui ne supportait pas l'intrusion d'humain dans le champ et nous coursait quand nous voulions traverser "son" pré. Sale bête!


Il y avait une demi-douzaine de vaches, établies dans "l'écurie des vaches", ainsi désignée pour ne pas confondre avec… rien du tout puisqu'il n'y avait pas d'écurie proprement dite ! Mais bon, on disait l'écurie, un point c'est tout. Elle jouxtait la grange à foin, ce qui permettait de les nourrir directement par des trappes ménagées dans la cloison en faisant passer le foin dans la mangeoire en bois. Mais à partir du printemps elles étaient "mises en champ" pendant l'après-midi.

C'était un moment marquant de la journée auquel nous participions parce qu'il fallait que plusieurs enfants se postent devant les endroits interdits pour éviter que les vaches aillent dans un autre champ que celui prévu, broutent les fleurs des jardinets, traînent trop en route ou fassent demi-tour. C'était aussi l'occasion d'user de nos bâtons en bois de noisetier. Toute une histoire ces bâtons! Il fallait tout d'abord repérer dans les haies d'alentour une branche bien droite, en général un rejet poussant à la base, mais pas issu de n'importe quel arbre puisqu'ils appartenaient tous à différentes personnes avec des tolérances d'usage plus ou moins floues. C'était un dilemme que de couper une branche future porteuse de ces fruits tant convoités mais le plaisir d'avoir son bâton, décoré à l'opinel en ôtant l'écorce lisse, prenait le dessus. Il s'agissait le plus souvent de simples spirales, parfois de nos initiales, marques transitoires car l'écorce en séchant finissait par se détacher et de toutes façons, nous perdions toujours très vite ces bâtons, oubliés dans les champs. Mais il en fallait un au moment de la sortie des vaches, il me semble qu'il y en avait toujours deux ou trois stockés dans le couloir de la ferme, derrière la porte, sous le porte-manteau, à côté du boisseau de blé. Parfois dehors, derrière le banc bricolé avec l'essieu d'un char à foin hors d'usage.

Bref, on "sortait les vaches". Et les chiens étaient de la partie, ce qui n'était pas très rassurant quand il s'agissait de Miss ou de Dick. Miss était une grande chienne jaune, genre berger belge. Elle était attachée toute la journée à une chaîne courant sur un câble entre les cages à lapins et l'énorme platane du bassin. Elle jurait qu'elle allait étriper toute personne qui s'aventurait dans la cour, aboyant des injures et des menaces debout au bout de sa chaîne, à moitié étranglée par son collier, et je la croyais sans demander aucune preuve ! De temps en temps nous leur apportions, à elle et Dick, des reliefs de nos repas en les leur lançant par-dessus le mur (la route surplombait la cour) et je n'ai jamais vu dans ses yeux autre chose que de la convoitise pour nos os de poulets, jamais la moindre affection. Je crois que dans mon esprit d'enfant, elle se confondait pas mal avec un loup… J'en avais donc une sainte trouille et quand elle était lâchée pour aider à la sortie des vaches en houspillant les retardataires, nous nous plaquions au mur quand elle venait nous renifler. Peut-être était-elle une grande tendre méconnue car elle gémissait de plaisir quand les filles des fermiers allaient la caresser mais elle était astreinte à son rôle de chienne de garde, pas là pour la décoration ou l'agrément. Pauvre chienne toujours attachée…

Dick était un corniaud noir et… noir. Ce type de chien qu'on voyait partout auparavant, ni grand ni petit, ni poilu ni ras, pas un chien de chasse, pas un chien de berger, un chien quoi. Lui était attaché sous la remise et son domaine de juridiction allait du ras de la porte du poulailler et jusqu'à celle de l'écurie. Autrement dit, il y avait au sol une zone non délimitée mais très précise que l'on pouvait parcourir entre les deux chiens pour aller chercher du lait par exemple. Par la suite, les chiens qui ont suivi n'avaient pas le même statut, ils étaient devenus animaux de compagnie autant qu'auxiliaires de travail et vaquaient en toute liberté jusqu'à ce que le nombre croissant de promeneurs oblige à les enfermer dans la cour ou à les attacher. Ce qui ne nous aidait pas à accueillir ces "touristes" d'un regard amène ! Même Dick, devenu vieux, a été libéré de sa chaîne et s'est révélé sous un nouveau jour de chien collant, qui aimait se faire gratter le dos et les oreilles, tombant en catalepsie sous les caresses tout en exsudant un parfum entêtant de chien mouillé.

Mais revenons à nos vaches.

Il n'était pas très facile de les distinguer les unes des autres pour nos yeux peu aguerris. Il y avait de lourdes vaches brun clair, d'une variété de trait, peut-être des Villardes. Il me semble que la Lombarde et sa fille au nom oublié en faisaient partie. Il y avait de temps en temps une Tarine ou deux. Le reste était formé de vaches blanches avec de grandes taches brunes, de la variété Abondance. Pour les différencier il fallait être attentif à la forme de leurs cornes, de leur chanfrein, plus ou moins droit ou retroussé, paradoxalement assez peu aux taches, à part si elles englobaient un œil par exemple. Il y avait La Lombarde, La Gaillarde, La Parise, La Marquise, et La Rose. Ce sont les noms que j'ai retenus. La Rose était une très brave vache à la tête presque entièrement blanche, au profil rectiligne, placide et calme. Pas le genre à soulever les hanches lorsque vous passiez derrière elle dans l'écurie pour prévenir d'un éventuel coup de sabot. Je crois que c'est elle que mon frère a réussi à traire, sachant qu'une vache peut retenir son lait si la personne qui officie ne lui revient pas.

Les champs n'étaient pas tous clos et quand les vaches étaient mises dans le grand pré en face de la ferme, il fallait les surveiller, autrement dit aller "en champ les vaches". Normalement, les chiens étaient censés nous aider dans cette tâche en ramenant celles qui s'éloignaient trop, celles qui tendaient le cou vers des pommes tentantes mais dangereuses (on disait qu'elles pouvaient s'étouffer en les avalant tout rond), celles qui tentaient de voir si l'herbe n'était pas plus verte dans le potager des voisins. Mais dans les faits, ils n'étaient pas d'une très grande utilité. Pas vraiment dressés à cette tâche, ils aboyaient à tort et à travers, se trompaient de vaches, les harcelaient pour rien jusqu'à ce qu'elles se retournent et les menacent d'un coup de corne, le pompon revenant à Boule qui est revenue toute fière avec dans la gueule un tronçon de queue qu'elle avait sectionnée d'un coup de dents!!! Donc dans les faits c'est surtout nous qui leur courions après pour les menacer du fameux bâton-à-vache afin de les ramener dans le droit chemin, euh, dans le droit pré.

Aller "en champ les vaches", c'était surtout l'occasion de se retrouver entre copines pour bavarder ou ne rien dire (une grande activité locale!), faire des catapultes avec les tiges de plantain, des bracelets avec les pâquerettes, siffler en coinçant une herbe plate entre les pouces, chanter ou nous moquer des mêmes anecdotes sans cesse ressassées (autre grande activité…). Quand il y eut la télé dans la ferme, l'heure du feuilleton du soir, vers 18 ou 19 h, marquait la fin de la séance. Nous rentrions et le fermier ou la fermière allait appeler les vaches. La rumeur voulait que si un cheval évite un humain à terre, une vache lui marche dessus sans vergogne. Voilà qui nous amenait à une saine prudence pour ne pas être sur leur trajet quand elles rentraient au grand trot à l'appel du fermier, leurs pis pleins ballotant de part et d'autre de telle façon que ça donnait peur de les voir se décrocher ! Je trouvais très impressionnant de voir les vaches accourir de l'autre bout du pré, les mêmes vaches qui restaient sourdes à nos objurgations et à nos insultes. Cet appel était un cri assez long, qui portait loin, je regrette de ne pas m'en rappeler plus précisément. Pour moi, ça tenait un peu de la magie que de les voir ainsi obéir au doigt et à l'œil au fermier. La manifestation soudain tangible d'un lien entre eux. Pourtant, Maurice n'était pas tendre avec elles… Quand une vache refusait de sortir de son étable ou n'en faisait qu'à sa tête, s'obstinant à vouloir se coincer entre le tracteur et la paroi de la remise par exemple, il prenait une voix toute douce et apaisante pour l'appeler: "Viens, viens, petite" et dès qu'elle le dépassait, il lui décochait sur l'arrière-train un bon coup de bâton qui sonnait sec en la traitant de "Sale carne!"

Il faut bien dire qu'une vache, et bien, c'est une vache. Et l'injure associée à leur nom n'est pas usurpée. J'ai été copine avec une génisse pendant un temps. Elle venait manger des touffes d'herbe dans ma main, se laissait caresser, attachée ou en liberté. J'ai cessé toute relation avec elle le jour où elle a tenté sournoisement de m'écraser contre le mur de l'écurie et j'ai eu du mal à m'extraire de cette fâcheuse posture. Et, la vache! Elle pesait son poids!

Il y avait aussi le mystère des vaches… Celles qui disparaissaient parce qu'elles étaient devenues "taurelles"… Cette manière qu'elles avaient de "demander le veau" au printemps en se grimpant les unes sur les autres… et ces veaux qui apparaissaient par l'opération du Saint-Esprit puisqu'il n'y avait pas de taureau dans les environs. Ça me laissait perplexe et si j'ai compris que le Saint-Esprit n'avait pas grand-chose à voir dans la multiplication de l'espèce, la mutation d'une vache en taurelle reste pour moi une énigme!

Allez, un dernier détail pour la route. Dans un angle de la ferme, sous le prolongement du toit de la grange à foin, à côté des cages à lapins, il y avait ce qu'on appelait le "travail". C'était une structure en bois, faite de gros piliers quadrangulaires avec des traverses auxquelles restaient encore accrochées de larges sangles tressées. On l'utilisait autrefois pour ferrer les vaches de trait avec ces drôles de fer en demi-lunes que je voyais encore traîner je ne sais plus où dans la ferme parmi tous les objets gardés "parce qu'on ne sait jamais". Le joug est devenu un lustre il me semble, le "travail" a fini par être démonté, l'essieu d'un char avec ses roues a été transformé en banc, il n'y a plus de vaches et les prés sont devenus des lotissements. Sic transit gloria mundi, comme on dit!

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mardi 22 mai 2007

Boîte à mots


L'autre jour, je menaçais ma fille aînée (en plaisantant, rassurez-vous, et de toutes façons elle est aussi grande que moi maintenant, je peux pas la taper!) (d'accord, c'est vite fait d'être aussi grande que moi) d'une mornifle. Une mornifle, c'est une gifle dans je ne sais quel argot ou patois, en tous cas c'était un mot utilisé par mon grand-père maternel (prononcer mornif').

Elle se tourne alors vers son copain et lui demande s'il connaît ce mot (nous utilisons tellement de mots qui nous semblent courants alors qu'ils n'existent que dans notre langage familial que de temps en temps nous vérifions leur diffusion réelle). Il lui répond que pour lui, ça évoque une pierre précieuse (La mornille, Gallion ou Noise sont des pièces de monnaies utilisées par les sorciers de la série Harry Potter).

Elle me prend alors à partie en me disant qu'il a dû confondre avec… avec… avec ce mot qui ressemble… "Escarboucle!" me suis-je alors exclamée. "Oui, c'est ça!" (Escarboucle: pierre précieuse comportant une variété de grenat rouge foncé d'un éclat très vif)

Devant l'air quelque peu atterré de son copain, nous nous sommes lancées dans une explication qui nous paraissait limpide: nous avons dans la tête des boîtes à mots où sont rangés ceux qui sont de même essence. Il peut s'agir de la signification, du registre, de l'histoire mais aussi de l'apparence. Et là, "mornifle" et "escarboucle" présentent tous les deux à la fin ce "cle" ou "fle" qui fait comme un crochet, et tous les deux sont rangés dans un compartiment pour les mots qui ne servent jamais. Alors, en voulant en tirer un, l'autre s'est accroché par sa boucle et a suivi.

Evident, non? La prochaine fois, je vous parlerai du tri entre "mots gentils" et "mots méchants". Par exemple, entre sinus et cosinus, qui est le gentil, qui est le méchant? Je ramasse les copies dans un quart d'heure…

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lundi 21 mai 2007

Boeuf musqué, suite


Je suis dans cette période de grande solitude où je montre fièrement mon "œuvre" à mon entourage en disant: "vous avez vu! Vous avez vu! Ça avance, non?" et ne reçois pour toute réponse qu'un sourire contourné et un regard inquiet, accompagnés dans le meilleur des cas d'une approbation confuse.

En effet, je crains d'être la seule à discerner dans cette masse les poils cordés des flancs ainsi que l'emplacement de la tête.

Dans mon esprit j'ai un panneau "bientôt ici un bœuf musqué" et je le vois déjà, je sais qu'il est là, il ne peut qu'advenir puisque la courbe des poils latéraux me satisfait. Si ça, ce n'est pas un présage, je ne sais pas ce qu'il vous faut !

Bon, puisque c'est vous et pour vous montrer que je ne déraille pas totalement, voici l'étape suivante. Comme la laine n'est pas encore très travaillée, elle s'est tassée sur la vitre du scanner ce qui donne cet aspect étrange à la partie grise*, mais quand même, maintenant on voit bien les deux petites oreilles noires perdues dans les poils, tout en haut, non? Et le toupet poilu du front? Et la forme de la tête, vous la discernez? Le pli du naseau?

Ok, d'accord, je retourne à mon aiguille et à mes bouts de laine, je vous montrerai la suite quand il sera plus avancé... Pfffff… Drame de l'incompréhension !


* (L'aspect de la laine écrasée sur la vitre m'a rappelé les bouts de mie de pain que je demandais à ma mère de chauffer et d'aplatir avec le fer à repasser quand j'étais toute petite, je trouvais ça délicieux !)

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dimanche 20 mai 2007

Boeuf musqué


Prochain projet en laine feutrée: un bœuf musqué.

J'ai commencé par en faire un croquis rapide, histoire de me mettre en tête les différentes zones de relief (par ordre d'apparition: les flancs, les épaules, les cornes, le bloc frontal des cornes, les yeux, le chanfrein, le mufle).

Ce sera l'occasion de tester différentes textures, depuis la sorte de laine cordée du corps, la laine des épaules, la masse striée du frontal, les poils rêches du museau, jusqu'aux zones lisses des cornes et des naseaux.

J'ai scanné la première phase, qui ne ressemble pas encore à grand-chose: je pose simplement les grandes masses de couleur (plus un essai pour l'aspect cordé).

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samedi 19 mai 2007

Manitou


Vous savez? Si, si, rappelez-vous, quand on est enfant, ou adolescent, et même adulte parfois, il y a ces moments où l'on croit à la pensée magique, ou au Père Noël plus simplement… Ce jour-là de mes quinze ans en fit partie. J'étais en voiture avec mon père et nous redescendions sur Grenoble pour je ne sais plus quelle raison. Au moment de nous engager sur la "grand'route", alors que mon père marquait le stop, j'ai eu à ma gauche une vision qui m'a paru la matérialisation d'un rêve et m'a noué l'estomac d'une brusque jalousie: sur la route un homme menait un poney noir, ébouriffé et piaffant (sans doute sous l'effet de la peur de se retrouver ainsi dans un milieu inconnu). Ô merveille, j'ai eu le temps de les entrevoir en train de tourner en direction des deux hameaux que desservait le bout de route en cul-de-sac dont nous sortions. Et donc, peut-être, qui sait, imaginons, soyons fous, peut-être que ce poney serait encore là à mon retour, peut-être que si je le rêvais assez fort, il allait rester là !!!!

Jusqu'alors, il y avait régulièrement des chevaux parqués dans les champs autour des deux hameaux. Il y avait notamment ce que nous appelions "le parc aux chevaux", grand pré où le cousin de la fermière mettait en pâture des chevaux de trait ou plutôt de boucherie, des Comtois? En tous cas de gros chevaux brun-rouge à qui nous venions apporter de temps en temps des quignons de pain, le plus souvent en les lançant sur le sol devant eux parce que même si on nous avait prévenu qu'il suffisait de laisser le pain dans la main grande ouverte pour ne pas risquer de se faire mordre par mégarde, voir approcher ces grosses têtes était quand même très impressionnant. Trois ou quatre juments, souvent un étalon, parfois des poulains. Ils étaient massifs, hirsutes, plutôt gentils dans l'ensemble mais je me souviens qu'entrer dans leur pré et les voir arriver au trop pour quémander un quignon n'était pas très rassurant et je ne me crois pas l'avoir fait très souvent. Pourtant j'aimais bien aller les voir (tout en restant derrière les barrières…) dans ce très grand champ partagé en trois parties, une plate en bas, une très pentue, une plate en haut. Le jeu était de tenter de deviner dans quelle zone ils pouvaient être, selon l'heure, l'état de l'herbe, l'ensoleillement et une sorte d'intuition qui devait tenir compte de tous ces éléments sans trop se le formuler.


Ça aussi c'est un souvenir qui est très lié pour moi à l'état d'enfance, cette conviction d'être en prise avec des éléments impondérables, d'être capable de prévoir. S'arrêter net et changer de trajectoire dans un champ parcouru pieds nus parce que là, devant, à coup sûr, dans cette touffe d'herbes il doit y avoir un serpent. Maintenant encore je me raconte ce type d'histoires avant de choisir un itinéraire pour mes trajets en vélo: rues, routes, pistes cyclables, raccourcis ou rallongis? Ce qui en fait signifie: est-ce l'heure de la sortie des classes avec les élèves qui traversent en bandes, est-ce une journée venteuse avec les rafales qui s'engouffrent dans les rues transversales et font dévier les cyclistes, l'heure de la sortie des bureaux où les feux rouges sont une insulte au timing des conducteurs (et conductrices), est-ce que je suis assez détendue et attentive pour me glisser dans le flot de la circulation sans encombres? Mais je ne me pose pas ces questions très clairement, je joue encore à me dire que je "sens" que tel ou tel itinéraire va être problématique. Je suis une grande raconteuse d'histoires pour agrémenter mon quotidien!

Mais je parlais des chevaux et surtout d'un poney…

Ce jour-là, donc, à peine de retour j'ai demandé si on avait entendu parler de cette histoire de poney et j'ai ainsi appris que, merveille des merveille, le filleul de ma mère en avait fait l'acquisition pour sa petite fille et qu'il était dans le petit pré à côté du "parc aux chevaux". C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de Manitou.


Manitou était, je crois qu'il l'est encore, un poney Shetland au poil noir, au caractère, euh, on va dire ombrageux, tout jeune encore à l'époque de son arrivée, entre un et deux ans. Pas dressé, pas castré, habitué aux humains mais facilement mordeur, autant dire pas grand-chose à voir avec l'image idyllique du poney des livres pour enfants! Malgré tous ces défauts, avec tous les miens, nous avons partagé d'excellents moments dans une amitié assez… rugueuse.

Au début, je me contentais de venir lui rendre de longues visites, toujours dans mon optique d'apprivoisement de tout animal de mon entourage (sauf les oies et les dindes, volatiles honnis s'il en fut). Je restais à ses côtés, je lui grattais l'encolure et je chantais toujours la même chanson pour créer un rituel d'apaisement. Il avait un certain talent pour simuler le plus grand calme, tout occupé à brouter l'herbe vite rase de son pré, alors qu'en fait il guettait l'occasion de mordre la main, la jambe, ce qu'il pouvait saisir. Quel délicieux animal! Mais cette particularité lui assurait une très grande tranquillité dans son pré que peu de personnes osaient traverser et j'y trouvais parfois de superbes récoltes de rosés des prés, alors que la "chasse aux champignons" étaient une pratique intensive dans les bois et les prés du coin. J'avais trouvé une parade approximative à ses morsures: je le laissais saisir ma main, commencer à la mâchouiller et quand il affermissait sa prise et augmentait la pression, alors je saisissais sa mâchoire et c'était à moi de serrer, jusqu'à ce qu'il lâche. La même technique que pour les chats et les chiens, histoire de montrer que les jeux ont une limite. Il n'a toutefois jamais perdu cette habitude et il fallait veiller à lui faire face ou à rester hors de portée de ses dents mais ce n'était qu'un faible prix à payer au regard des moments de plaisir intense que nous avons partagé ensuite dans des balades au gré de l'inspiration et de nos connivences.

Je me souviens d'une froide après-midi d'automne où j'ai dormi à ses côtés, pelotonnée dans sa chaleur alors que lui-même dormait en boule sur le sol, une trêve dans nos rapports souvent houleux. Il devait être partagé entre le plaisir de voir quelqu'un lui tenir compagnie (son champ était vraiment à l'écart de tout passage et il y a longtemps été seul) et le déplaisir de savoir qu'il allait devoir subir mes dernières inventions en terme de dressage. Car je m'étais mis en tête de lui apprendre à sauter des obstacles, à supporter les rênes allemandes, à faire tout ce que j'avais appris pendant un an de pratique de l'équitation dans un club hippique. Mais sur ces grands chevaux de manège, je ne retrouvais pas le plaisir de ces après-midi avec Manitou, ils étaient… indifférents, me semblait-il, et tourner en rond à la queue leu leu sous les ordres d'un moniteur, ça n'avait rien à voir avec ces parties de "bugne à bugne" avec un poney hargneux et déterminé à donner son avis. Je le montais à cru et il lui suffisait d'appliquer sa technique imparable (prendre le galop, s'arrêter net et baisser la tête…) pour me vider quand il en avait assez. Son jeu préféré consistait alors à tenter de se rouler sur moi et j'ai vite trouvé une parade peu élégante mais assez efficace: je me mettais sur le dos et je plaquais mes pieds sur son poitrail, le temps nécessaire pour qu'il change d'avis.

Nos rapports étaient assez houleux, un mélange de complicité et de bagarre, il fallait sans cesse renégocier les rapports de force et même s'il n'était qu'un poney, il restait déterminé à donner son avis. Je me souviens lui avoir mordu le dos une fois où il m'avait pincé une fois de trop la jambe… J'en ris encore maintenant, un peu moins à l'époque. Je l'avais trouvé très ingrat car il s'agissait d'une de ces promenades que je faisais à pied à ses côtés pour le sortir de son enclos où il ne voyait presque personne. Il n'était pas très grand, assez grand pour un Shetland, trop petit pour supporter longtemps mon poids. Je le montais sur les parties plates ou sur celles où notre rituel voulait qu'il prenne le galop, qu'on le lui demande ou pas. Notamment sur cette partie du chemin qui débouchait sur Plagirou – très grand pré en pente qui surplombait les hameaux - partie ombragée et pas trop caillouteuse. C'était un moment de pur bonheur, mêlé de quelque inquiétude qui lui donnait un goût piquant. Il prenait son galop saccadé de poney, tout son corps était tendu dans son urgence de la course et je crois qu'il riait dans sa tête et j'avais envie de rire avec lui dans ce partage d'un moment de gaieté libre. Peut-être qu'il riait aussi parce qu'il anticipait son futur plaisir à me vider une fois en haut de la côte… Car là le chemin redescendait dans les herbes et il s'arrêtait net, tête baissée et laissait faire les lois de la gravité…


Il ne manquait pas d'un certain sens de l'humour et abusait ignominieusement du fait que je le montais avec une simple bride et ce n'est pas avec son absence de garrot et sa crinière souvent pelée que je pouvais me retenir à quoi que ce soit. Je me souviens l'avoir monté une fois dans son pré simplement comme ça, sans rien du tout. Je le guidais par les postures du corps, il répondait assez bien jusqu'au moment où il a pris d'une façon très déterminée la direction de la partie en forte pente de son champ et là, il m'a proprement débarquée de son dos d'un petit saut de mouton, en direction des clôtures en fil barbelé et des ronces. Charmant animal ! Mais c'était de bonne guerre parce qu'il devait aussi subir mes accès de dressite aigue. Dans ces cas-là, je le faisais tourner en longe et prendre les différentes allures à ma demande. Jusqu'au moment où je me suis rendue compte qu'en fait il obéissait sans même l'aide de la voix ni du geste, juste "à la pensée" croyais-je. Moments enivrants! Je restais immobile, je pensais "au pas, au trot, au galop, stop, viens vers moi" et il obéissait à chacun de ces ordres. Je veillais à ne pas bouger la main, à ne pas imprimer de mouvement à la longe. J'avais l'impression de vivre un moment unique de télépathie dont je me disais qu'il ne fallait parler à personne pour éviter les moqueries, le scepticisme ou pire, les explications rationnelles. Pourtant, ça marchait, il obéissait ou plutôt il semblait d'accord pour participer avec moi à ces exercices un peu stupides qui semblaient m'amuser. Et après tout, c'était ça le plus important, trouver une connivence dans le jeu. Bien sûr, plus tard j'ai appris que les chevaux sont extrêmement sensibles aux postures et que je devais lui donner les indications nécessaires à mon insu…

D'autres moments de connivence étaient nos promenades d'exploration. Je partais avec lui dans des endroits inconnus de nous deux. Pas la peine d'aller bien loin, il suffisait de s'aventurer dans les bois et les taillis, parcourus de sentes de bêtes ou de chasseurs, ponctués de petites clairières, anciens vergers abandonnés, coupes de bois reprises par les ronces. Je le laissais faire, nous nous promenions tranquillement et quand nous arrivions dans un cul-de-sac il repartait de lui-même dans une autre direction pour prolonger la balade. Sauf qu'il ne tenait pas compte du fait que là où lui pouvait passer, je ne le pouvais pas toujours, même en me plaquant sur son encolure et c'est ainsi que je me suis retrouvée un jour à demi-étranglée par mon écharpe restée accrochée à une branche…

Les plaisirs que j'ai trouvés avec ce poney, je ne les ai pas retrouvés avec des "vrais" chevaux. J'étais trop habituée à monter à cru et la selle me gênait, c'était comme faire de la broderie avec des moufles…!

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vendredi 18 mai 2007

20 ans



Ouf, il est fini ! Je viens de passer trois jours sur un projet de livre d'anniversaire, à offrir aujourd'hui pour les 20 ans d'un jeune homme. (A cet âge charnière, dit-on "jeune garçon" ou "jeune homme"?) Les parents m'ont fourni les photos scannées, triées par pages et par périodes, j'ai fait la mise en page, l'impression et la couverture.

Quand je réalise ainsi un livre récapitulatif, ça représente toujours une plongée émotionnelle assez forte car toutes ces images d'enfance me renvoient à la mienne ou à celle de mes filles. Un double voyage en parallèle, des émotions qui se superposent et que je veille à ne pas mêler pour rester fidèle au souhait des personnes qui m'ont demandé d'assurer la partie matérielle de leur projet. Trouver la bonne note, la tonalité juste, pour qu'ils offrent un livre qui soit un point de départ pour une vie d'adulte et non pas un ancrage dans la nostalgie.

Par exemple pour le choix de la couverture, sa mère et moi avons choisi du papier sobre tout en étant un peu brillant pour un côté festif, une photo en noir et blanc pour l'intemporel, un portrait masqué par la main pour jouer avec des références aux magazines people. Et pour l'intérieur, un papier à volutes argentées sur fond noir pour rester sobre mais un peu léger quand même, il s'agissait de trouver la limite entre un côté graphique et un côté trop sombre.

Le livre, sentant encore bon la colle sans doute, sera offert aujourd'hui, j'espère qu'il touchera son but! Aujourd'hui, le soleil est là, je pense que j'en profiterai pour faire un grand tour en vélo, histoire de replonger dans l'actualité et la sensation directe, après toutes ces heures passées dans le passé.

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mardi 15 mai 2007

Livres


J'y pense, je ne vous ai pas montré les livres finis?!? Les voici donc. Un livre sur des chroniques d'enfance, un livre de deuil, un livre de souvenirs de voyage en Bulgarie, deux exemplaires d'un livre sur mes dessins de chimpanzé. Entre temps, j'ai bien évidemment acheté de nouveaux papiers...
Pas beaucoup de temps pour écrire sur ce blog en ce moment, je suis plongée dans la mise en page d'un livre d'anniversaire pour un jeune homme de bientôt 20 ans et je suis repartie dans un nouveau tableau à la laine feutrée, un boeuf musqué. Je vous montre bientôt ça!

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dimanche 13 mai 2007

Peau et couverture


Pourquoi bon sang a-t-on prévu des parties surbaissées sur ces rebords en ciment alors que rien ne permet l'accès à ce carré de terre, coincé entre un trottoir et des voitures en permanence? Et de toutes façons, accéder pour quoi faire? Avec quel engin?

Cette photo a été prise vers Noël, il y a quelques indices: une branchouillette de sapin, deux petits cônes qui ressemblent à s'y méprendre à des crottes de chien (une ruse de la sélection naturelle pour éviter qu'ils se fasse grignoter par d'éventuels écureuils de ville?). Le sol est tellement détrempé, tellement tassé, que le tronc semble surgir d'une flaque de boue plus que s'enraciner dans de la terre. Quelques racines "surnagent", dernières possibles évocations d'une promenade en sous-bois. Ces arbres de villes font partie de ce que j'appellerais les "petits mondes improbables". Dans quoi poussent-ils? Comment poussent-ils sans recevoir d'eau ou presque? Le sous-sol d'une ville est-ce encore de la ville? Des tuyaux, du macadam, de la ville quoi? Bien sûr, je sais que non, il suffit de voir une tranchée dans la rue pour voir que tout ceci n'est qu'une peau mais de le savoir ne permet pas automatiquement de le ressentir, sauf quand je vois ces arbres, qui sortent de ces carrés de ciment comme des cils qui sortiraient de trous qui seraient des pores.

Ça me fait penser aux montagnes. Quand la forêt qui couvre le Néron a brûlé l'année de la canicule, il n'est resté pendant un temps qu'un monticule (quoiqu'il veuille faire croire, le Néron n'est pas bien haut) chauve, blanc, le temps que la végétation recommence à pousser. Et j'ai alors réalisé "pour de bon" qu'une montagne est faite entièrement de roche, si si!!! Alors que jusqu'à présent, cette montagne si familière, je la voyais plutôt comme un mille-feuilles de forêts à la base, et de roches au sommet. Et non, ce n'était que la fourrure de la bête… Et s'il était admissible qu'une montagne en partie molle, en partie dure, se soit plissée et soulevée ainsi il y a des gnillions d'années (au moins), ça devenait beaucoup moins envisageable devant ce bloc, fendillé certes mais un bloc quand même.

Beaucoup de naïveté pour une seule personne, me direz-vous, mais c'est cette même naïveté qui me donne envie de dessiner, de deviner ce qu'il y a sous les poils, les muscles, la structure, pour ensuite pouvoir les mettre en place, un par un ou presque et retrouver l'apparence, la restituer.

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vendredi 11 mai 2007

Récréation



Une petite récréation des doigts mais pas des yeux: des bagues en laine feutrée. Quand je dis récréation des doigts, ce n'est pas tout à fait juste car pour les faire j'enroule la laine autour d'un doigt et je pique sur place avec l'aiguille barbelée. Je n'en sors que rarement indemne! Et je peste et je râle. Je râle aussi parce que mon ordinateur donne des signes de faiblesse de plus en plus évidents, refuse de fonctionner si je branche une clé usb et j'ai donc dû renoncer à mettre les zoulies photos que j'avais prises de ces bagues, sur fond luxueux de ventre de chat comme présentoir (faut bien qu'il serve à quelque chose!) et j'ai dû me résoudre à les scanner, ce n'est pas le plus pratique...

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jeudi 10 mai 2007

Les chats


Pour Éliane

Vaste sujet pour des animaux pas bien gros… Comme vous l'aurez compris en lisant mes précédents chroniques, j'étais ce qu'on appelait une "mère à chats", ou "mère à chiens", bref, une "mère à bêtes", je m'arrêtais pour dire bonjour à un chat croisé, pas toujours à un humain… Disons que je comprenais mieux les codes du comportement animal que ceux qui régissent les rapports sociaux entre adultes.

Comme dans toute ferme, il y avait des chats. Les chats permanents et les chats transitoires. Les chatons surtout étaient très transitoires, de quelques jours à quelques mois pour les plus "chanceux", entre la régulation de l'espèce par le fermier et celle par les accidents qui guettent tous ces chats de hasard, poison pour le renard, pièges, chasseurs, voisins qui ne tolèrent plus de voir leurs semis grattés, chiens briseurs de reins, voitures qui prenaient le bout de route pour une piste d'accélération. Bref, de tous ces chats, seuls quelques-uns, plus expérimentés, plus reconnus et acceptés, ont eu une vie assez longue pour marquer ma mémoire.

Quand j'étais petite fille, il y avait l'ancêtre, Chouchou, grand-mère douairière et tricolore, devenue avec l'âge (et une rencontre avec un piège) boiteuse, chassieuse, tirant la langue. Quand elle grimpait sur nos genoux pour se faire caresser, elle se prenait les griffes de sa patte abîmée dans les mailles de nos pull-overs mais n'interrompait pas pour autant son ronron ni son pétrissage. Gentille chatte discrète, vite prête à fuir, consciente des limites de ses prérogatives.

Sa fille, Pomponette, représentait à mes yeux l'archétype du chat de gouttière, vaguement tigrée, vaguement brune, vaguement grise, le tout mélangé, un caractère revêche, la griffe facile. Elle n'eut qu'une qualité, mais grande, ce fut celle de donner le jour à Kochka, qui devint LE chat de la famille et laissa après son décès un vide jamais restauré. Mais c'est une autre histoire…

Je n'ai bizarrement que peu de souvenirs de matous, pourtant tous ces chatons n'étaient pas issus de l'opération du Saint-Esprit ! Seul Poum a surnagé dans ma mémoire. Un gros matou roux, grand plus que gros, grandes pattes, grandes oreilles, grand nez, yeux rapprochés qui lui donnaient un air pas totalement finaud, et brave avec ça, câlin-collant, le genre de chat qui vous saute sur les genoux et n'en décolle plus, s'obstinant à rester lové en boule même quand vous faites mine de vous lever, tant que la gravité n'a pas le dessus et l'oblige à retomber sur ses pattes. On l'aurait dit scotché sur nos jambes! Un bon reproducteur en tous cas qui savait transmettre ses gènes comme on peut en juger par la photo ci-dessous…


Et il y eut Mistigri, dont Kochka était amoureux, en vain vu son statut de chat castré. Ah, Mistigri… Dans un sens elle fut mon premier chat, le premier chat que j'ai apprivoisé. Et ce n'est pas rien que d'apprivoiser un chat de ferme qui vit en totale autarcie ou presque, de chasse, d'un peu de lait à l'heure de la traite et de restes laissés sur le pas de la porte. Elle était arrivée déjà presque adulte, donnée par des voisins, et je mis pas mal de temps, à force de patience et d'attentes à croupetons devant le rebord du toit qui arrivait presque au niveau de la route, avant d'arriver à réduire la distance de fuite, à me faire tolérer, puis accepter, puis rechercher. Bien sûr, le fait que je ne venais jamais la voir les mains vides participait à cet apprivoisement mais chut, n'abîmons pas les légendes enfantines!

Chatte blanche et tigrée de gris, elle n'avait pour elle que des yeux magnifiques et une vraie délicatesse dans la présence. Jamais opportune, jamais quémandeuse, toujours digne et ramassée dans ses jupes. Quand dans mes promenades je la voyais accourir à ma rencontre à petits pas pressés pour un brin de causette, je m'arrêtais toujours pour une caresse, même si ce n'est pas facile de caresser un chat qui tourne en rond autour de vous. Même pressée, je m'arrêtais, le temps nécessaire à la politesse du code félin, car un chat se vexe vite et est facilement rancunier. Après tout, je lui devais bien ça puisque c'est par elle que j'ai eu accès au monde félin en liberté.

Quand je la voyais prendre ce ventre pointu de la chatte sur le point d'accoucher, je tentais dans la mesure du possible de repérer le lieu où elle allait cacher sa portée le temps pour ses petits d'avoir les yeux ouverts, ce qui leur garantissait d'échapper à la noyade. Elle tolérait ma présence à quelque distance tout en couvant ces petites limaces souvent rayées sous ses pattes rassemblées, ou me tournait le dos pour manifester sa réprobation. Je ne tentais pas de les toucher, on m'avait tellement répété qu'une mère abandonne ses petits s'ils portent une autre odeur… Simplement je faisais en sorte de les habituer à mon existence dans leurs parages. De toutes façons, ses cachettes étaient souvent introuvables et le plus souvent ce n'est que quand les petits chats avaient déjà presque un mois que je parvenais à repérer le coin de la grange, le rebord d'un toit, le dessous d'un tas de bois, où elle les avait déplacés, plus près des activités humaines.

Apprivoiser des chatons qui n'ont jamais vu d'humains, ce n'est pas une sinécure, mais je débordais de patience et d'obstination. J'attendais que Mistigri arrive près de la cachette avec une proie pour ses petits, une souris le plus souvent. C'est d'ailleurs ainsi, en la repérant à son air affairé, que je trouvais l'endroit en question. Comme c'était mon amie chatte, elle avait confiance en moi et quand elle jugeait ses petits assez grands pour la rencontre, au lieu de leur amener leurs victuailles directement, elle posait la défunte souris au sol et appelait sa progéniture. J'arrivais presque à imiter ce miaulement spécifique, ce "mrrrrrrouin", assez bien pour qu'à la longue les chatons pointent le bout de leur museau en m'entendant. À moins que ce ne soit assez ridicule pour que la curiosité les pousse à venir voir qui faisait ainsi un bruit de klaxon enroué… Toujours est-il qu'elle les amenait ainsi à se familiariser avec moi et de jour en jour ils s'enhardissaient, parfois jusqu'à venir jouer autour de moi, voire sur moi quand une bousculade ou l'ivresse du jeu leur faisait perdre toute prudence. J'en profitais pour en effleurer un du bout du doigt, mine de rien, tout en réfrénant ma convoitise. Ou alors je le faisais quand elle poussait la confiance jusqu'à les allaiter en ma présence. Enfin arrivait le jour de LA tentative. Je pensais alors à me munir d'un pull à manches longues, forte de l'expérience, et pendant que les chatons se bousculaient autour de mes jambes, j'en saisissais un par le milieu du dos et je le plaquais au sol. Euh, de préférence en l'absence de Mistigri car il poussait alors des cris de protestations qui ne lui auraient pas plu! Je peux vous dire qu'un minuscule chaton n'est pas facile à maintenir quand il n'est pas d'accord et que ça se tortille comme un asticot fraîchement coupé et que ça déploie un nombre de griffes et de dents considérable ! D'où la nécessité du pull à manches longues… Dans le meilleur des cas, la bestiole finissait par se calmer et par accepter la situation, je n'insistais pas et je la relâchais. Si elle reprenait ses jeux, la partie était gagnée, elle avait compris qu'il n'y avait pas mort de chat à se laisser attraper et avec un peu de patience la confiance pourrait s'instaurer. Si vraiment elle paniquait, j'attendais un autre jour pour une autre tentative. Certains restèrent rétifs, d'autres finirent par accepter, et c'est ainsi que je nouais des amitiés très fortes avec certains chats, qui devenaient ainsi "mes" chats.

Mistigri a vécu assez longtemps pour un chat de ferme. Neuf ans, dix ans? Je me souviens fort bien de la dernière fois où je l'ai vue. Elle semblait éreintée, usée. J'étais montée passer un week-end dans la maison de mes parents et pour la première fois de sa vie, elle a tenu à dormir à l'intérieur, avec moi. Auparavant, elle m'a présenté sa dernière portée de chatons, les a appelés pour qu'ils déboulent par-dessus le mur, trois jeunes chats déjà grands dont une jolie minette métissée de siamois. Je me souviens de son poids minuscule sur le couvre-lit, de son ronron intense, trop grand pour ce corps devenu décharné. Tôt le matin elle a demandé à sortir, je ne l'ai plus jamais revue et j'ai considéré qu'elle m'avait fait ses adieux. Du moins je me plais à le croire, et peu importe si c'est le hasard ou le froid qui l'a poussée à dormir ainsi avec moi, cette histoire fait désormais partie de ma légende personnelle, celle de mon enfance.

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mercredi 9 mai 2007

Dessin de pattes félines fini !



Voilà, je m'arrête là pour ce dessin. Le papier commence à saturer et je ne peux plus guère passer de nouvelles teintes, de toutes façons j'ai atteint le but que je cherchais: obtenir une étude de pattes, avec suffisamment de relief pour qu'elles semblent présentes. Je vais pouvoir passer à un autre dessin pour étrenner une "pierre noire", autrement dit un crayon noir très gras. Suite au prochain numéro! (comme d'habitude, pour voir le détail en plein écran ou presque, cliquez dessus, il ne griffe pas!)

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mardi 8 mai 2007

Suite des étapes du dessin de pattes de chat


J'ai posé les bases des couleurs et je peux monter les teintes, sur les rayures notamment. Le choix de la teinte de la feuille n'était pas très judicieux car elle est trop proche des couleurs du dessin mais je n'avais pas un choix énorme, les autres teintes étaient beaucoup trop vives à mon goût.


Maintenant que j'ai passé plus de couleur ocre sur les pattes, elles se détachent mieux du fond. Les doigts commencent à prendre du relief et de la présence.


Ah, ça vient ! Je commence à pester quand je me détourne de l'ordinateur et que je reviens au dessin en voyant le "chat" posé sur la feuille de papier, c'est bon signe. Mais c'est un fait que ce chat très narcissique a déjà tenté plusieurs fois de se coucher sur son portrait partiel.


Je commence à aborder la phase finale en posant du "vrai" noir dans certaines zones, comme celles des poils entre les doigts, le centre des rayures et la "moquette" sous la patte arrière. Le violet qui était trop violent au départ est maintenant fondu dans les autres teintes, même si sur la queue je pourrais l'atténuer un peu plus. Il apporte des variations dans le rendu du dessin en le faisant quitter la simple "harmonie en brun". J'ai pu vérifier sur les poils de la queue que cette technique permet effectivement de placer des traits clairs par-dessus une zone sombre, ce qui signifie que le papier n'est pas encore trop saturé par tous ces passages.

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lundi 7 mai 2007

Pattes de chat, premières étapes


Tout d'abord à la demande de Planeth, un zoom sur le dessin précédent du chat. (Cliquer sur le dessin pour le voir en plus grand format) Le scanner est un outil merveilleux car il me permet de voir de près ce que ma main a fait et que mon oeil ne discernait pas complètement (avec ma manie de dessiner sur de petits formats...). Quand un dessin se passe bien, c'est une sensation étrange que celle d'avoir des yeux au bout des doigts, qui sentent que le trait est juste, que la pression est la bonne. Idéalement, ça donnerait presque envie de dessiner dans le noir, pour le geste pur.


Hier je suis allée voir la très belle exposition de Juan Munoz (je ne sais pas mettre un tilde sur le n du nom mais le coeur y est, si si!) au musée de Grenoble (nous, les Grenoblois, on ne dit pas "musée des Beaux-Arts" ou "musée de peintures" mais "Musée de Grenoble", chacun son chauvinisme, même si aujourd'hui cette notion est particulièrement déplacée avec les résultats des élections...). J'ai été fascinée par ses dessins à la craie grasse sur toile ou papier et bien évidemment je me retrouve comme une poule devant un couteau au moment de tenter de décrire ce qui m'a tellement séduite et fait baver d'envie devant ses oeuvres. Le site du musée présente principalement ses sculptures et de toutes façons, ce que j'aurais aimé montrer c'est justement un zoom sur la texture de ses dessins. On a l'impression d'une nuance infinie dans un seul trait de craie grasse, noire ou blanche, une évanescence sur le bord, un effleurement qui laisse parler le support et, dans ce qui semble participer du même mouvement, du même trait, un infini de noirceur ou de lumière qui fait plonger comme dans une toile de Soulages. On sent la chorégraphie de la main, on entend presque la respiration et le rythme de l'artiste dans son geste, des portraits presque calligraphiés, une trace et tout est dit, presque rien et on se recrée le reste. Totalement à l'opposé de ce que je fais mais tellement à l'opposé que c'en est presque sur la même ligne, il propose l'inquiétude belle, je propose le rassurant quotidien. Deux réponses différentes, un questionnement peut-être pas si lointain.

Je reviens à mes moutons, euh non, à mon chat... Voici les étapes de la séance d'hier après-midi. Crayons fusains de couleurs et crayons et craies pastels donc, sur papier velours. Selon la luminosité des couleurs, le scanner fait un réglage moyen qui modifie la teinte du fond et mes passages de violet pour le bout des doigts paraissent bien plus virulents qu'en réalité mais bon, ça donne une idée quand même de ma manière de procéder...





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dimanche 6 mai 2007

Bientôt ici un dessin


Maintenant que l'exposition est en place, il est temps de recommencer à dessiner. Cette fois je vais assouvir mon vice en toute plénitude, enfin si tout se passe bien: du rendu de poils, que des poils, tous les poils. Je pars d'une photo prise par ma fille aînée, un gros plan sur le fru-fru des poils du ventre de Shaman, chat de gouttière tigré charbonné. Je l'ai déjà traité à l'aquarelle mais c'était plus une étude de posture que de pelage. Là, j'ai envie de plonger dans ces textures et ces couleurs. Une vraie orgie: euh, de l'ocre, du brun, de l'ocre, du brun, et même de l'ocre clair et du brun foncé ! La difficulté réside dans la présence de poils clairs qui dépassent, sur le bord des pattes, de la queue et dans le fouillis du ventre, ce qui m'empêche de songer à utiliser de l'aquarelle ou des crayons de couleurs. L'idéal serait peut-être de la gouache mais je ne m'en suis jamais servi et ça ne me tente pas. Aussi je vais essayer d'utiliser les crayons pastel sur papier velours. Sur une feuille A4 ce n'est pas évident mais je suis obstinée, donc je me lance !

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samedi 5 mai 2007

Pointillés


Travaux prévus dans la rue, tracés préparatoires, signes d'un langage au code inconnu. Cette image me fait penser aux découpes en pointillés sur le bœuf souriant de l'affiche du boucher, à un rapiéçage sur un habit très porté et très usé (combien de fois déjà cette rue a-t-elle été creusée et rafistolée?!), aux arbres marqués dans la forêt par les bûcherons, ces lettres qui signalent leur future absence. Le goudron comme une peau. D'ailleurs, j'ai toujours été frappée par ce qu'on voit dans une tranchée ouverte dans la rue, cette coupe verticale dans le temps de la ville, galets roulés par les errances de la rivière, terre arable d'anciens jardins, anciennes couches de macadam, et surtout la sensation que la cité n'est que posée et transitoire, ancrée bien peu profondément…

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vendredi 4 mai 2007

Les chars

Par "char", j'entends "char à foin", on est bien loin de Ben-Hur et des foules en délire! Dans ce cas il s'agirait plutôt de calme, de tranquillité et le plus souvent de la plus totale immobilité de l'objet en question. Bref, un char c'est un char.

C'est fait d'un grand plateau de bois, à claires-voies parfois, long de six mètres à peu près, large de deux mètres, à vue de souvenirs, convexe vu du dessus, surbaissé devant, avec des ridelles aux deux extrémités pour maintenir le chargement, un timon pour accrocher au tracteur (autrefois pour atteler les vaches), avec des roues en bois cerclées de fer pour les plus anciens.

Tels étaient les chars de mon enfance. De grandes structures idéales pour nos jeux de filles. Ils étaient entreposés dans la grange à foin ou sous les châtaigniers. La grange à foin, c'était un endroit sérieux, que je ne traversais que rarement, peut-être l'endroit le plus symbolique du labeur de la ferme. Donner à manger aux poules, aux lapins, garder les vaches, tout ceci ressortissait du jeu à mes yeux de citadine, campagnarde en pointillés. Mais les foins, c'était le cœur même du travail de paysan. Il ne fallait pas marcher dans l'herbe haute pour ne pas la coucher et gêner le passage de la faucheuse. Le respect du foin commençait là. Pourtant c'est tentant un joli pré en fleurs dont l'herbe vous chatouille les genoux, c'est frais et bruissant, il y a toujours une scabieuse un peu plus loin, une centaurée qui vous nargue, ou même un œillet des Chartreux qui vous fait un clin d'œil tout rose. Mais à partir de fin mai, les champs sont devenus un espace rétréci, qu'on ne parcourt que sur les traces des roues du tracteur. Pour ménager le foin futur.

Quand les chars étaient inutilisés et entreposés sous les arbres, ils devenaient nos lieux de prédilection pour jouer à la dînette, ou pour simplement s'asseoir et discuter, jouer à tout et à rien. Souvent à rien d'ailleurs. Les montants étaient peints de ce qu'on appelle le "bleu charrette". Ou avaient été peints il y a longtemps. Et sur l'espèce de moyeu horizontal autour duquel on attachait les cordes destinées à maintenir le chargement, il y avait parfois des traces vertes de ce produit toxique dont on pulvérisait les vignes (sulfate de cuivre?). On savait qu'il ne fallait pas y toucher, pas plus qu'aux baies rouges et je me sentais un peu fière de côtoyer un tel risque et de le juguler par ma prudence et mon savoir. Fierté d'enfant…

Je n'ai jamais su combien il y avait de chars, deux, trois, quatre? Ils étaient peut-être prêtés de ferme en ferme, selon les besoins. Je me souviens qu'il y en avait un particulièrement surbaissé à l'avant, à claires-voies très espacées, peu pratique pour jouer et courir dessus, un peu étroit, aux roues en bois cerclées de fer. Il y en avait un plus large, à la surface pleine, plus haut aussi, idéal pour les jeux dans lesquels nous étions des mères de famille organisant notre vie de futures femmes d'intérieur, épouses accomplies et cuisinières émérites. Nous faisions cuire des feuilles de noisetiers et de châtaignier. J'ai dû en rester à ce stade car je ne suis devenue rien de tout ça, je prends toujours la vie de femme d'intérieur comme un jeu qui ne m'amuse guère plus de cinq minutes…!

Quand nous allions faire les foins, à l'aller nous restions assises sur le char vide, les jambes ballantes pour avoir un peu peur de tomber quand le chemin était par trop cahoteux et que toute la carcasse était secouée, au retour cramponnées sur le timon, dans la "bonne" odeur d'essence du pot d'échappement du tracteur mêlée à celle du foin, sur le chargement quand il était bas. Ça allait tout doucement, à la vitesse d'un tracteur dans une côte, dans un chemin étroit, ou même dans ma toute petite enfance aux pas des vaches. J'avais le temps d'attraper des feuilles au passage, d'être tentée de descendre pour aller plus vite que l'attelage mais en même temps j'avais envie de profiter de cet instant, d'être dans ce que je percevais comme un rite. Maintenant encore, l'odeur de gazon coupé et d'essence de tondeuse me ramène à cette époque de mon enfance, un morceau d'enfance dans la ville.

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jeudi 3 mai 2007

Papiers suite


Allez, puisque j'ai de nouveaux papiers, autant m'en servir. D'autant plus que j'ai déjà préparé cinq petits livrets, imprimés, cousus, collés. Alors ce matin j'ai préparé l'encollage des devants et des dos, ainsi que des cartonnettes intérieures. Le plus long est presque de manipuler tout mon stock de papiers... Attendez, je vais compter combien j'ai en accumulé en quatre ans... rapide estimation à 200. Aussi quand je cherche à assortir ce nouveau papier bleu marbré avec un autre papier, c'est la plongée dans les stocks! Prochaine étape, assortir avec le skyvertex du dos, je n'en suis pas encore à utiliser du cuir, trop délicat à travailler pour mon niveau de débutante.

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mercredi 2 mai 2007

Papiers


Ouf, ça y est, l'expo est accrochée ! Trimbaler tous les dessins rangés dans un carton, carton accroché sur la structure d'un caddy à commissions, recouvert d'une cape de pluie pour cycliste en cas d'intempérie, n'était pas une sinécure. Je veillais sur les angles pour ne pas les heurter, je repoussais les poubelles, maudissais les voitures garées sur le trottoir et bénissais la politique d'aménagement des trottoirs surbaissés dans cette douce ville de Grenoble.

J'ai escaladé je ne sais combien de fois une échelle un peu bringuebalante, compris mais un peu tard que la ficelle que j'ai choisie pour mettre au dos des encadrements n'est pas du tout mais pas du tout adaptée avec ses façons de faire des torons qui rendent difficile de mettre le dessin bien horizontal (un tableau qui penche, un vrai cauchemar de maniaco-dépressive !) mais bon, tout est en place.

Je me suis levée à l'aube pour finir deux encadrements, parce que si je ne suis pas en retard ce n'est pas drôle et il me reste encore des reliures à faire mais ça, je les réserve pour le vernissage. Le problème quand on expose dans un magasin d'encadrement, c'est que c'est un lieu de tentations insurmontables et bien évidemment j'ai craqué pour de nouveaux papiers... Bah, ils me serviront bien un jour !

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