samedi 29 septembre 2007

Mise au point du regard

Il est dit qu'il y a différentes sortes de mémoire: auditive, olfactive, visuelle et kinesthésique, cette dernière se reportant grosso modo aux personnes qui font appel à différents sens pour ramener à la surface un renseignement voulu. Je pense que je fais partie du dernier lot puisque je cherche d'abord à retrouver la sensation pour pouvoir dérouler le fil. Lumière, sons, odeurs, chaleur, posture ressentis et re-sentis vont remonter tout d'abord et amener la vision qui sera en quelque sorte l'étiquette ultérieure du souvenir, l'image donc, qui m'aidera plus tard à les organiser dans une sorte de case spéciale "mémoire réactivée".

Cette vision volontaire s'organise elle-même comme une sorte de jeu de mise au point, comme dans le cadre d'une photographie. Le cadrage bien sûr, mais aussi la profondeur de champ. Je continue avec mes photos de jardin. Il s'agit ici d'une photo prise à la va-vite, une branche de lilas, un effet de lumière et de couleurs. Totale banalité mais peu importe, je vais jouer avec cette image.

Dans le premier cas, l'image-souvenir amène une focalisation sur le feuillage, le poudreux sur les feuilles du premier plan par exemple. Traces d'oïdium? Maladie due à une exposition trop ombragée? Sol humide? La feuille éclairée apparaît presque blanche dans sa partie exposée à la lumière. Ça me fait penser à la question que me posait une amie dessinatrice: doit-on traiter la partie éclairée d'un feuillage comme une zone blanche ou d'un jaune très clair? Cette question posée il y a trois ans trouve chez moi une réponse aujourd'hui: il s'agit sur ce document de nuances de gris-violet tandis que le jaune serait utile dans les parties inférieures éclairées par transparence. C'est bon, je vais pouvoir ôter ce post-it du coin de mon cerveau qui stocke les questions sans réponses. Il est déjà assez encombré comme ça.

Cette lumière rasante, ce contraste entre zones sombres et feuille lumineuse, connaissant l'endroit, me donnent des indices: ombre portée du sapin, lumière douce, c'est un matin d'automne, vers 10 h, pendant que le soleil peut encore cheminer entre l'arbre et la façade. Ça signifie grasse matinée, café pris sur les marches, week-end d'amoureux tout neufs, les lilas seront désormais porteurs de cette évocation.

Maintenant, je fais la mise au point sur le fond du jardin, je mets une pause longue pour laisser les informations lumineuses s'accumuler et sur l'image obtenue mon attention se focalise sur la table et les chaises en plastique, obtenant ainsi des informations sur le décor, quittant le domaine du détail. Petit jardin d'une villa de banlieue, souvenir d'un repas pris dehors pendant une soirée, sensation de cette bulle de calme dans le bord de la ville, chauve-souris zigzagant dans le gris du ciel, été se prolongeant encore dans un simulacre de beau temps, vite en profiter, faire les derniers stocks, bientôt le passage à l'heure d'hiver annulera les illusions.

Cette fois, je n'interviens pas sur les réglages et je laisse l'appareil se débrouiller tout seul avec la lumière de l'instant. Résultat, une bouillie.

Mais la mémoire fonctionne comme un célèbre logiciel de retouche d'images et si je pousse les niveaux, si je bidouille, si je force mon attention à recréer les sensations à partir des indices, j'obtiens un résultat où tout est mêlé, premier plan, arrière-plan et souvent les souvenirs ressemblent à ça quand ils ressurgissent en vrac. Granuleux, poussiéreux, confus, pourtant ils ont un charme esthétique auquel cette photo ne rend pas hommage. Ma manière de tout observer, de préparer en quelque sorte mes souvenirs à l'avance en impressionnant sans cesse la surface sensible de mon cerveau induit-elle ma manière de dessiner? Suis-je dans l'hyper attention au détail parce que mon œil et mon cerveau fonctionnent ainsi en permanence? Comment en sortir? Pourquoi en sortir? La presbytie amènera-t-elle un changement dans mon trait? Une sorte d'indulgence anticipée?


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vendredi 28 septembre 2007

L'éventail

Je ne résiste pas au plaisir de livrer à vos yeux ébahis un morceau d'anthologie du Guide des convenances: le passage sur l'éventail. Je le transcris in extenso: on sent que Liselotte est au bord de la pâmoison devant la hardiesse de ses images. Il est vrai que c'est un florilège de clichés sur un certain type de femmes à la fin du 19° siècle…

L'éventail

Non, voyez-vous, il est des choses qu'il vaut mieux ne pas chercher à définir. Ne bondissez-vous pas avec moi devant cette froide précision: L'éventail est un instrument qui sert à agiter l'air?

L'éventail, un instrument!

Il faut ne jamais avoir senti le frémissement de ses fines lamelles s'agitant les unes sur les autres, il faut n'avoir jamais compris comment il vibre à l'unisson de celle qui l'agite en sa petite main nerveuse, pour oser dire que l'éventail est un instrument!

Non, certes non, il mérite mieux. Si j'avais à le définir, moi, je dirais hardiment que c'est un ami. Oui, un ami, et combien sûr et discret!

Que de services il nous rend!

Voyez cette jeune fille toute joyeuse de ses débuts dans le monde, elle est grisée par le bruit, par la musique, par l'éclat des lustres, elle parle, elle s'anime, sa voix domine toutes les autres voix; elle lance un paradoxe, entame une longue histoire et tout à coup, sa voix éclatante résonne trop haut, elle s'arrête, confuse; on la regarde, que faire? Il faut achever le récit commencé et, maintenant que son animation est tombée, elle se sent mal à l'aise. Avec ses bras inertes le long de son corps, elle a l'air d'un conférencier, si elle les agite, n'aura-t-elle pas une allure d'orateur?

Elle déploie son éventail, le balance pour cacher son trouble et se soustraire un peu aux regards qu'elle a attirés. Elle se sent moins seule et son monologue s'achève plus aisément.

Plus loin, voyez cette jolie jeune femme dont l'éclatante beauté soulève partout un murmure flatteur, elle se sait belle, elle en est heureuse, doucement émue; mais, tout à coup, un compliment plus aimable, plus direct, moins attendu, fait monter une rougeur subite à son front nacré. Qui l'aidera à dissimuler cette pourpre qui la gêne si fort? Son éventail.

À côté, voici une femme moins favorisée; sa figure n'a point d'éclat, son esprit n'attire point, elle est à l'écart, est-elle tout à fait seule cependant? Non, son éventail, son fidèle ami lui donne une contenance, lui tient presque compagnie. (Un éventail comme substitut à la cigarette? Pas idiot…)

Attention! Une nouvelle venue s'avance, toute fière de sa toilette à ramages, mais ses rubans criards, ses couleurs heurtées sont du dernier mauvais goût. Un irrésistible fou rire secoue vos épaules, mille remarques mordantes se pressent sur vos lèvres, impossible de les contenir, il faut les communiquer à votre voisine. Mais ne laissez rien voir, c'est la sœur du général et votre mari, qui est capitaine depuis dix ans, attend son avancement. La malice ne perd jamais ses droits et c'est derrière votre éventail, innocent complice, que vous chuchotez bien vite à l'oreille la plus proche toutes vos critiques de femme élégante (bien qu'épouse d'un niais pas fichu de monter en grade depuis dix ans).

La robe à ramages est à côté de vous, il a fallu réprimer le sourire malicieux et maintenant vous êtes condamnée à subir une ennuyeuse conversation sur l'art de faire de la gelée de groseilles en dix minutes, d'utiliser les vieux bas. Quel supplice! Votre esprit s'envole au loin et quand vous n'avez pas entendu le point important, les précautions de la mise en pots par exemple, vous agitez votre éventail pour avoir l'air vivant et son battement rapide tient lieu de réponse. Il écoute et parle pour vous. (Quelle idée aussi de la part de cette femme même pas élégante de parler de sujets tout juste bons pour des domestiques! Quand on porte des rubans criards, on se tait…).

Et même, si vous vous ennuyez assez pour qu'un léger bâillement vienne déformer votre visage, il vous sauvera en dissimulant cette impolitesse qui vous perdrait à jamais, vous et les futurs galons de votre mari.

Après la femme, il n'est point d'être plus nerveux, plus vibrant que l'éventail. Il sait tous les langages, il dira votre émotion, votre impatience, votre ennui. Il saura dire ce que vous n'osez exprimer, c'est un autre vous-même dont les mouvements gracieux, nonchalants ou rapides, suivent les impressions les plus fugitives de votre âme, mais aussi que de choses il saura déguiser!

"Ce qu'on en fait, quand on sait jouer convenablement de cette machine d'Etat, qui pourrait le dire? " s'écrie Jules Janin. Entendez-vous bien, une machine d'Etat? Oui, ces mouvements fébriles, ces mouvements lents, ces suspensions voulues, ces repos adroitement combinés font plus que de montrer la souplesse de votre poignet, la finesse de vos doigts, ils remplacent les discours animés, les phrases timides, ils soulignent les silences éloquents. Ce sont les voltiges d'une diplomatie raffinée. (Dans l'émission "2 000 ans d'histoire" de Patrice Gélinet, sur France Inter, consacrée à l'histoire de la séduction et diffusée il y a quelques jours, il était fait mention effectivement d'un code amoureux utilisant la position de l'éventail, le nombre de branches déployées pour fixer la date d'un rendez-vous par exemple. Hé bé… Un bon texto, c'est quand même plus simple, moi j'dis!)

Tantôt l'éventail se balance avec une nonchalante morbidesse (n. f. XIXe siècle. D'après l'italien morbidezza, « caractère doux, moelleux ».BX-ARTS. Vieilli. Mollesse et délicatesse dans le rendu des chairs. Désigne, par extension, une sorte de grâce alanguie), tantôt il s'agite avec une étourdissante vivacité et tout à coup se referme avec un bruit semblable aux frémissements des ailes d'un oiseau: sa tactique ferait rougir bien des politiciens.

Quel art merveilleux mais aussi quel art difficile (surtout pour de simples femmes)!

Ce n'est point en un jour qu'on arrive à cette perfection dans le jeu de l'éventail; il faut de longues études pour parvenir à diriger l'harmonie de son balancement et l'éloquence de ses mouvements silencieux. Entre les mains d'une parvenue, l'éventail prend des airs de balai ou de plumeau à épousseter et lorsque, avec une trop grande vigueur, elle l'agite en tous sens, elle évoque immédiatement l'image d'une boutique où elle chassait les mouches de l'étal, d'une cuisine où elle activait le feu des fourneaux (au lieu d'apprendre les règles du savoir-vivre… Excusez-moi, je vais vomir et je reviens).

Les éventails ont suivi toutes les modes, imité toutes les époques; ils ont emprunté le pinceau des grands artistes pour les orner ou la main des fées pour les broder de paillettes d'or et d'argent, mais c'est toujours à l'éventail en plumes que sont allées toutes les préférences, à cet éventail qui se déploie avec la gravité pompeuse de l'oiseau de Junon (le paon, donc) et dont le balancement rythmé fait songer au frémissement gracieux des ailes d'oiseau (remarquez, pour un truc en plumes, ça se tient…).


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jeudi 27 septembre 2007

Mémoire sélective

Le fonctionnement du souvenir est un phénomène qui me fascine. Petite déjà, je me souviens de m'être amusée à fixer un souvenir aléatoire. J'étais à l'arrière de la voiture de mes parents, en route pour la Bretagne, et j'avais décidé de stocker dans ma mémoire de façon à pouvoir y avoir accès à tout moment la prochaine image qui me viendrait en ouvrant les yeux. Ce que je fis. Il s'agissait d'un petit chemin entre deux champs de blé et d'un homme qui marchait dessus, s'approchant de la route en poussant un vélo. Une image parfaitement "inutile", accrochée à rien d'autre qu'à la volonté du souvenir, pur exercice de style, mais maintenant encore elle est disponible à volonté même si elle est chaque fois un peu plus altérée par le phénomène de redoublement de la fixation. Toutefois des bribes de sensations restent encore mêlées: celles du déplacement de la voiture, de son odeur, de la présence de mes frères à côté de moi, la notion de vacances et de temps modifié par l'éloignement de l'école. Si je prends ce souvenir pour le dérouler, j'obtiens la silhouette de la 403 Peugeot, sa couleur gris clair et le numéro de la plaque d'immatriculation n'est pas très loin, quelque chose comme gnignigni MZ 38. 853 MZ 38? Le fait d'être assise à l'arrière, côté fenêtre et paysage (privilège de celle qui détenait l'arme de dissuasion la plus efficace: l'explosion de vomi aléatoire), tournée vers la vitre, appuyée sur le rebord de la portière. S'installer à quatre enfants à l'arrière d'une voiture tenait de l'équilibre des puissances et parfois de la guerre froide. Deux grands, deux petits. Les deux grands avaient le privilège de voyager jambes écartées, les petits se tenaient à carreau (oui, j'ai envie de la jouer victime aujourd'hui), les pieds posés sur leurs petites valises bleues en tissu où reposaient les trésors indispensables pour le trajet. Je me souviens aussi de l'idée d'injustice devant le fait que les vitres arrières ne pouvaient pas s'abaisser totalement ce qui m'empêchait de fignoler mon otite en passant la tête par la fenêtre, l'envie d'être adulte pour pouvoir enfin m'asseoir à l'avant (pffff, mon petit frère, lui, en tant que "plus petit" avait le privilège de pouvoir passer devant de temps en temps sur les genoux de notre mère ou celui de se tenir debout entre les sièges pour observer la route et la manière de conduire une voiture, ce qui chamboulait totalement l'usage de la banquette arrière) (je rappelle que je parle d'un temps où la ceinture de sécurité n'existait même pas) (et pas de commentaire sur mon âge, s'il vous plait!). Pendant ces longs trajets jusqu'au lieu des vacances, camping en Bretagne ou en Vendée, deux jours de voiture, nuit à l'hôtel ou sous la tente, avec traversée du Massif Central la grande question qui me taraudait était la suivante: la plage serait-elle de sable ou de galets?

Autrement dit, ce petit bout de souvenir presque artificiel peut maintenant encore me servir d'accroche pour dérouler le fil d'Ariane de la mémoire jusqu'à ramener à la surface des images encore frétillantes.

Dans la-vallée-de-mon-enfance, je m'étais choisi un "arbre à souvenirs", un petit chêne au flanc d'une butte, avec vue sur la ville, hors de portée de voix et de vue. J'allais régulièrement m'installer à son pied pour faire le point sur ce que je pensais être devenue, dresser un état des lieux en quelque sorte. Je lui apportais parfois quelques offrandes, collier de chat disparu, morceau de nid de guêpes, bois flotté ramené de vacances ou je restais simplement là, à goûter le fait d'être en vie à cet instant, toujours en vie au même endroit d'un autre instant, l'impression d'être une étincelle qui se promenait le long d'une ficelle, grignotant la longueur à elle allouée, laissant derrière elle cendres fragiles encore en forme de vie, tant qu'on ne les touche pas d'un doigt trop rude.

Je peux faire une promenade dans le temps et la mémoire avec un accessoire bien moins encombrant qu'un arbre, mais de façon bien plus aléatoire. Il me suffit pour ça de froisser dans la paume de la main un peu d'herbe fraîche et de sentir une première fois l'odeur qui s'en dégage. Une première image viendra instantanément: tout le monde a son souvenir d'herbe coupée, gazon d'école, pelouse des grands-parents, jardin public… Mais ce qui m'émerveille, c'est que si je sens la même touffe d'herbe mais quelques minutes plus tard, alors que la chaleur de la paume s'est communiquée à elle et a exalté une autre composante de son parfum, c'est une tout autre image qui va me sauter aux narines. Et de même quelques instants plus tard, jusqu'à ce que le cerveau soit saturé d'informations ou se mette en boucle en ne ramenant que des images stéréotypées, histoire que je le laisse enfin tranquille avec cette histoire d'odeurs.

Pourtant, que la mémoire est chose fragile et prête à se dérober pour peu qu'on lui demande un exercice qui la sort de ses habitudes. J'ai souvent parcouru ces jours derniers une piste cyclable de la banlieue de ma ville. Trajet que j'effectuais presque quotidiennement quand j'étais étudiante puisqu'il m'amenait vers le campus. À l'époque il ne s'agissait par endroits que d'une simple piste en terre longeant des champs de maïs. 25 km par trajet, quatre fois par jour, pendant trois ans, et je me retrouve maintenant fréquentant les mêmes endroits complètement chamboulés par de grandes opérations foncières et totalement incapable de dire ce qu'il y avait à la place de ces chantiers à un endroit précis. C'était différent, oui, certes, mais encore? Une usine? Un champ? Des villas? Pourtant je pensais que ce trajet s'était inscrit dans mon crâne de façon indélébile…

Et cette personne que j'observe dans la pharmacie? Je connais son visage, il m'est étrangement familier mais je suis incapable de déterminer le réseau auquel je peux le rattacher. Je vois cette personne à intervalles irréguliers, nous avons des rapports courtois, ni plus, ni moins, il s'agit d'un visage que j'ai vu évoluer à travers le temps, je le sais parce qu'il m'apparaît un peu flou, comme recouvert d'une superposition de couches usées. Je connais ce visage mais pas cette posture. De qui peut-il bien s'agir? Ah… Bon… Honte sur moi… Maintenant qu'il est retourné derrière le comptoir, je le reconnais: c'est le pharmacien en personne, dans une officine que je fréquente de temps en temps depuis vingt ans!

Et ce jeune homme qui me dit bonjour dans la rue et à qui je réponds d'un air interloqué, qui est-il? Simplement le fils cadet de la voisine qui, une fois hors du cadre de la maison familiale, se tient différemment à tel point que je ne le reconnais pas.

Comment puis-je farfouiller pendant des heures dans un document pour retrouver les traits d'une personne et en faire son portrait et ne pas être fichue de reconnaître mes voisins?

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mercredi 26 septembre 2007

Journal de non-voyage

Depuis longtemps déjà j'ai envie de tenir un journal de non-voyage.

Parmi mes premières émotions esthétiques, après les chevaux de Lascaux, le lièvre de Dürer, le loup de Marlaguette (collection Histoires du Père Castor) vinrent les carnets de voyage de Delacroix et les oiseaux d'Audubon. Je rêvais d'être dessinatrice embarquée lors d'expéditions de découvertes, exploratrice au long cours. Et… j'habite dans le même appartement depuis 46 ans, je crois que c'est mal parti pour ma vocation de baroudeuse mais l'immobilité n'exclut pas la curiosité ni le goût pour l'observation, fort heureusement! Alors j'observe, tout, tout le temps. Mon exotisme est tout personnel: je pratique l'ethnologie sur les peuplades de la rue, l'éthologie sur mes chats, je regarde passer les saisons sur mes murs et défiler les années par les aménagements successifs des pièces de l'appartement.

Oh, bien sûr, parfois je voyage!!! Je vais même jusqu'à Saint Martin d'Hères (quatre kilomètres de chez moi, les montagnes changent de silhouette, le soleil se couche plus tard, les rues sont organisées différemment, tout un autre monde!) pour une bouffée d'exotisme. Le matin je me pose sur un escalier et je regarde.

Cette feuille morte, pourquoi n'est-elle qu'à demi-desséchée? Une moitié recroquevillée, une moitié encore souple et tachetée de vert. Sénescence partielle? Information qui n'est pas parvenue à l'ensemble des cellules? Quelques points qui ont décidé de faire de la résistance, n'ayant pas eu leur dose d'été, luttant contre une chute trop injuste au moment où le beau temps se rappelle à notre bon souvenir?


Une image amenant souvent un mot, c'est le terme de marcescence qui me vient à l'esprit, celui qui sert à désigner le phénomène par lequel certains arbres conservent leurs feuilles flétries une grande partie de l'hiver. Le charme, dans sa jeunesse, présente cette particularité. J'en avais planté un dans la haie du jardin de mes parents, pour l'anniversaire de mes trente ans. Il a été coupé lorsqu'il a fallu faire place aux engins de terrassement pour la construction de la villa des voisins. Je ne le verrai donc pas grandir; ce bout de jardin défiguré, amputé, abandonné, ne fait plus partie de mon histoire, je n'y ai plus mes jalons.

Je reviens à ce jardin, celui de Saint Martin d'Hères. Levant un peu les yeux des marches de l'escalier, je vois les branches d'un lilas appuyé contre la rambarde. Les bourgeons sont déjà là et me semblent bien avancés, prêts à s'entrouvrir, têtus, quêteurs; s'agit-il d'une éclosion tardive ou des prémices de l'an prochain? Petit serrement de cœur… Verrai-je le retour des prochains feuillages? Chaque année cette même pensée magique qui veut que si j'envisage le pire, il se détournera de ma personne, déçu de ne pouvoir me surprendre. Mais c'est fatigant, il existe tellement de pires à imaginer, et il faut être soigneuse, ne pas trop en oublier au banquet du pessimisme.


Regarder une feuille, juste une feuille, rien que ça, c'est déjà un petit voyage et si en plus un appareil-photo se mêle à la partie, les paysages n'en sont que plus variés! Tout d'abord, que regarder? Le dessous de la feuille? Les nervures qui apparaissent par transparence? Elles ne sont alors pas des creux mais une armature qui crée la feuille. Dessous de jupons, cerceaux de crinoline, secrets en lumière.


Je change de mise au point, maintenant, les nervures sont des creux, lits de rivières; ce qui charme c'est la pulpe de la feuille, ce tissu tendu sur les doigts des nervures. Le mécanisme de l'irrigation ne compte plus, seule la présence du matériau intervient, souplesse, courbe, douceur du vert si beau dans les arbres, aussi importable sur ses vêtements que le bleu du ciel.


Maintenant je joue avec le temps d'exposition et les reliefs s'accentuent. Bout de planète, devenir insecte aux pattes griffues crochues ventousues pour arpenter ce matelas fuyant, explorer les deux faces.


C'est ce qu'à dû faire la grosse punaise verte qui n'a laissé de son passage que cette goutte derrière elle, et même si ce n'est pas de son fait, je me plais à jouer avec l'idée du choc olfactif si l'odeur âcre de cette bestiole était toute entière contenue dans cette si jolie goutte.



Autres jolies sphères ou presque, de la même taille environ, ces deux minuscules escargots collés au crépi du mur. Gouttes de vie, mais perfection à l'inverse de celle de la goutte d'eau. Contours rigides, la sphère leur est acquise. À telle point qu'ils ne cessent de la répéter spire après spire. Où est la bête dans cet orbe transparent? Comment peut-on décemment être aussi petit, à peine plus gros que l'œuf d'où l'on sort et déjà si obstinément construit? (Et pourquoi l'un projette-t-il une ombre translucide et pas l'autre?)



L'araignée a refait sa toile, au même endroit, même association de lignes droites pour une surface courbe, certainement la meilleure façon de réunir ces points d'ancrage. Mais pourquoi a-t-elle une nouvelle fois choisi de ne pas suivre le rebord du bord de la gouttière? Et surtout, pourquoi n'a-t-elle pas attrapé les moustiques qui m'ont piqué pendant la nuit précédant la photo?

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Le loup encadré (centième message posté, si, si!)

J'ai encadré le loup, avec les mêmes marges que pour le jaguar et l'ours, histoire de faire cohérent et j'ai gardé le même principe de superpositions pour accentuer l'effet de relief autour de la bêêêête.

Je me suis trouvée face à un dilemme: garder ou non la pointe des oreilles du loup?

En effet, si je laisse la tête affleurer au sommet du boitage afin que les oreilles dépassent, je tombe dans le phénomène de "tête coupée" que je veux éviter. Je me suis donc résignée à couper les pointes (ça s'appelle "essoriller" je crois) pour que la tête puisse être en retrait de 3 cm par rapport à la surface de l'encadrement. Pourtant, j'en avais bavé pour les faire, ces pointes d'oreilles et je m'étais piqué les doigts à moult reprises au moment de les fignoler. Tant pis, j'ai pris mes petits ciseaux de broderie et chgniak, plus de pointes. Maintenant la tête du loup donne l'impression d'être celle d'un animal qui se promène derrière le mur et jette un coup d'oeil en passant au cas où de la chair fraîche passerait à portée de truffe.




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samedi 22 septembre 2007

Ecriture

Qu'écrire? Sur qui, quoi, pourquoi, comment? À quoi correspondent ces périodes où le sang tourne en encre? Qu'il y a-t-il de changé en moi depuis que j'ai déposé ainsi ces souvenirs d'enfance? Sont-ils amoindris, enkystés, consolidés?

Ma mère dit qu'après avoir écrit les chroniques que je lui avais demandées, elle s'est retrouvé en quelque sorte dépouillée, appauvrie devant des écrits qui ressemblaient plus à des papillons épinglés qu'à une richesse jusque là interne et tue. Valait-il mieux qu'elle les garde en elle ou qu'elle nous les fît partager? Ces récits sont devenus des éléments d'une légende familiale, mais aussi légendes d'images qui ne nous sont pas accessibles, comme la bande-son d'un film qui se déroule dans une autre tête. D'un côté ces textes, de l'autre des albums-photos dont un jour plus personne ne pourra dire de quels humains ils ont fixé les instants. Est-ce si important de le savoir? Le temps passé à archiver, légender justement, ce temps pris sur un présent, deviendrait une offrande à qui? À quoi? À la peur de mourir, d'oublier, d'être oublié?

Dans mes chroniques d'enfance, essais d'écriture, je me suis cantonnée à des images toutes personnelles, ne souhaitant pas évoquer des personnes de mon entourage, même passé, par pudeur, prudence ou timidité. De fait, au lieu de narrer des anecdotes, je me suis plutôt livrée à une sorte de gymnastique mentale, m'allongeant en quelque sorte sur le molleton de mes souvenirs et me laissant m'enfoncer dans cette texture, jusqu'à ce que les sensations reviennent. Plutôt moi qui descendais qu'elles qui remontaient, jusqu'à ce que je retrouve la qualité de l'état d'esprit et les sensations de l'époque, comme si je revisitais ma tête de petite fille. Alors, finalement, j'ai sans doute figé des moments de cette enfance, en réactivant ces souvenirs je les ai étiquetés comme vérité "posthume" à elle, mais j'ai parallèlement créé chez moi une autre mémoire, celle de ces recherches et de ces temps d'écriture. Sans doute que si un jour je cherche à les retrouver, je tomberai tout d'abord sur le souvenir de ces heures passées à les rassembler. Le souvenir du souvenir? Celui du processus mental qui me permet de tirer la ficelle d'une sensation jusqu'à faire remonter à la surface une grappe de mots.

Maintenant, qu'en est-il de cette envie d'écrire? Elle est toujours là, elle se résout en de nombreux échanges épistolaires, en la tenue d'un journal de bord autour du phénomène de l'attente, mais ce ne sont pas choses à partager dans le cadre du faux anonymat d'un blog.

Alors je crois que j'aime écrire comme j'aime dessiner, dans la description, dans l'anodin, dans le passage de la perception d'éléments infimes mais en dehors d'un projet plus vaste. Comme ces têtes d'animaux en laine feutrée, pas tout à fait la vie, pas tout à fait la mort, un entre-deux qui sort du cadre le temps d'un regard.

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vendredi 21 septembre 2007

Loup y es-tu?

Tout d'abord, voici le book terminé, tout fraîchement pris en photo, avec ses jolies vis en laiton (en plus, elles existent de différentes longueurs, je peux donc passer de petit album à GROS album si je mets à produire en série!) :


Là, c'est pour montrer l'intérieur avec ce papier à fibres vertes qui n'est pas sans évoquer la laine cardée, très joli mais très fragile une fois enduit de colle...


Et une dernière photo pour que l'on voit bien l'épaisseur de la couverture et le fait que oui, on peut ouvrir ce book relativement aisément, rapport au fait que j'ai tout bien réfléchi auparavant, si, si :


Bon, maintenant, je reviens à mes moutons, non à mon loup. Je cherchais une idée de bestiole à faire dans cette série de têtes qui dépassent d'une boîte, j'hésitais entre une vache et un éléphant puis j'ai eu un coup de foudre pour une photo de loup, parue dans le hors-série d'un magazine télé à propos de l'exposition "Bêtes et hommes". Hop, sitôt vue, sitôt projetée. J'ai donc rassemblé les pelotes dont j'allais avoir l'usage, découpé un rectangle de feutrine épaisse pour le support et c'est parti:


J'ai fait un fond vert mousse, ça ne mange pas de pain, neutre, sobre et de bon goût, évocation de taïga, de sous-bois ou de moquette, au choix selon les références de chacun. Ensuite, une silhouette de la bête, en veillant à prévoir que certaines parties dépasseront pour augmenter l'effet de relief: les oreilles et la mâchoire inférieure.

Ensuite vient la partie la plus absconse de cette pratique, celle où je mets en place les premiers reliefs en utilisant de la laine cardée de couleur improbable, histoire d'utiliser ces pelotes-erreurs-d'achat-parce-que-j'avais-envie-de-les-avoir-toutes. Comme ce rose pétard ou ce bleu layette qui vont me servir à faire la masse du cou et du crâne tandis que la mâchoire inférieure va être traitée avec un gris passe-partout pour m'éviter de me retrouver avec une sous-couche rose encore apparente.




C'est un des moments que je préfère que celui-ci où j'obtiens une forme improbable mais dans laquelle je vois déjà apparaître dans ce magma multicolore le résultat final, même si je suis la seule encore. Heureusement que ça m'amuse parce que c'est aussi la période plus fastidieuse avec ce piquage incessant pour obtenir une masse assez compacte. J'écoute alors des percussions pour faire passer le temps et maintenir le rythme (j'ai quand même chopé une ampoule puis un cal sur le doigt...). Je vous recommande la musique de Djeunes, avec didgeridoo et djembés, pas de paroles, tout se ressemble et ça fait boum-boum, impeccable pour feutrer la laine!

Voilà ce que j'obtiens, un loup avec un gros nez. Maintenant assez ri, il va falloir réfléchir et passer aux détails, parce que là, il n'est pas encore très inquiétant ce loup, il ferait plutôt pouffer la Chèvre de Monsieur Seguin!


Tout d'abord, les dents, la langue puis les babines. Ah, elle rigole moins la Chèvre de Monsieur Seguin!!!




Maintenant, je m'occupe de la mâchoire supérieure et de la truffe et je commence à "colorier" la bête. Un mélange de blanc et de gris pour le côté de la mâchoire, du brun neutre pour le museau. Ensuite les oreilles et les emplacements pour les yeux.




J'ai obtenu un loup-fantôme, il ne me reste "plus" qu'à lui donner un peu de vie. Premier essai de regard mais ça ne fonctionne pas. Je l'ai fait au petit matin, en me fiant directement aux emplacements creusés dans la laine la veille au soir et je n'ai pas pris le temps de me référer à la photo de départ. Résultat: un loup ahuri aux yeux de peluche. A refaire!


Les yeux sont trop gros et pas assez rapprochés, je vais rectifier le tir en rajoutant des paupières en dessous et en déplaçant le petit rond noir des pupilles.



Voilà, ça ressemble à un loup maintenant! Je vais pouvoir passer à la partie "coloriage à la laine". Pour cela j'ai fait l'emplette de nouvelles pelotes à un tarif prohibitif. Je les reluquais depuis longtemps et là, j'ai craqué, ces tons chatoyants de gris et de bruns, je ne pouvais pas résister plus longtemps! C'est en les manipulant que j'ai compris la raison de leur prix: cette laine est beaucoup plus douce que l'autre et les fibres sont bien plus longues. Je ne sais pas encore si c'est un avantage ou pas mais c'est au moins une différence et j'ai pu ainsi diversifier ma palette de tons spéciaux "bestioles":


Quand je vous disais que c'était chatoyant à donf... Donc, coloriage de la bête. C'est une partie assez longue parce que je superpose de très fines couches nuageuses de laine cardée pour obtenir les nuances du pelage.


Résultat final, avec ajout des crocs et des babines de la mâchoire supérieure:


Alors, le prochain sujet? La traversée d'un fleuve par un troupeau de gnous et zèbres mélangés? Un envol d'oiseaux de paradis? Une panthère noire au crépuscule? Bon, je vais sans doute commencer par encadrer celui-ci et ensuite je verrai, l'envie du dessin plus classique me titille depuis que j'ai acheté une boîte de crayons noirs du plus dur au plus tendre.

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jeudi 20 septembre 2007

Book pour laine feutrée

En un mois d'absence, j'ai quand même fait des choses et des bidules, notamment un book pour présenter mes zouvrages en laine feutrée. J'en ai déjà préparé trois, reliés de mes blanches mains, pour mes dessins animaliers, les portraits et les travaux autour de souvenirs. Comme ça, le jour où je me décide à prospecter pour montrer mes dessins, ils sont tout prêts (ils ont servi au mois de mai déjà). Mais je n'avais rien fait pour les animaux en laine cardée, notamment parce qu'au départ je ne pensais pas qu'ils seraient appréciés, je craignais qu'ils ne soient considérés comme relevant trop du domaine de la peluche, de la décoration de chambre d'enfants. Mais en fait, non. Leur statut entre le portrait et le trophée semble intéresser les personnes à qui je les montre, alors autant leur préparer de quoi les montrer sans trimballer tous les cadres.

Tout d'abord, j'ai fait un "dessin" de chat, d'après une photo de Shaman, catus gouttierus de la maison. Je vous épargne les étapes parce que j'ai celles du loup à vous montrer par la suite, je ne voudrais pas abuser de votre patience (et merci encore à celles et ceux qui continuent à visiter ce blog abandonné pendant presque un mois!).


Je ne lui ai pas donné un véritable relief réaliste, car alors le book final aurait été presque impossible à ouvrir sans abimer la truffe du matou sur le support. Disons qu'il est en relief "aplati"... (pour ça qu'on dit un "bas-relief"?), comme ça je peux l'entreposer sans trop de problèmes.

Une fois le chat portraituré, il ne me restait plus qu'à réfléchir à la réalisation de la reliure. J'ai choisi un système semblable à celui des vieux albums photos, avec deux couvertures, dos et devant, indépendantes et reliées par des vis, ce qui permet d'ajouter des pochettes par la suite au fur et à mesure de ma production.

Pour compenser l'épaisseur de la plaque de feutrine qui a servi de support au "dessin" et celle du relief de la tête, j'ai superposé trois plaques de carton de 3,5 cm d'épaisseur, bien évidées tout bien comme il faut et collées sur une plaque de cartonnette de même dimension.


La vache, qu'est-ce que dur à couper un carton aussi épais! Mais mon obstination légendaire en a eu raison.


Ensuite, j'ai réalisé une étiquette à partir d'une photo montrant de la laine cardée et une aiguille barbelée, étiquette que j'ai plastifiée puis mise en place avec un autocollant double-face. Après quoi j'ai tapissé l'intérieur de la niche creusée dans les trois épaisseurs de carton avec un papier doré puis découpé dans la cartonnette une plaque évidée, qui laissera ainsi voir le chat et l'étiquette (ben oui, sinon ce serait ballot...) qui sera ensuite recouverte de ce papier enduit de PVC noir et brillant, très joli à voir parce qu'il prend bien la lumière mais très pénible à travailler parce que la colle vinylique, le PVC, ça le fait bien rire. Et moi pas...


Et voilà le résultat!

Bon, ensuite il y a d'autres étapes mais je ne les ai pas toutes prises en photo et puis, tout montrer serait quand même fastidieux. Disons pour résumer que j'ai associé cette couverture à une bande de carton perforée en veillant à laisser une sorte de charnière afin de pouvoir ouvrir la couverture quasiment à plat. Le dos a été une partie de plaisir ou presque puisque la colle a foiré à un endroit mais bon, c'est le dos et je prendrai le temps un de ces quatre de lui expliquer qui commande ici.

Demain, promis, je rajoute une photo de l'ensemble avec vue sur le côté pour qu'on voit bien que le museau du chat dépasse. Non non, n'insistez pas, je ne la ferai pas ce soir, avec le flash et la couverture brillante, on ne verrait rien de toutes façons, et puis j'ai la flemme de dégager un coin pour le poser et le photographier, le loup presque fini prend toute la place sur la table.

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Moment de bonheur, bonheur du moment

De, du… Moment de bonheur et bonheur du moment ne sont donc pas bonnet blanc et blanc bonnet. "De" est un partitif, il indique une partie d'un ensemble plus vaste, "du" est une version contractée d'un article défini, il articule un instant.

Alors oui, être debout en haut des marches de cet escalier extérieur, sous l'auvent de la marquise, fumant ma première cigarette du matin pour épingler l'instant dans un geste pendant que j'entendais E. bruire dans sa maison était un morceau de bonheur.

Pour être dans le bonheur de ce moment, j'ai ouvert mes yeux et les pores de ma peau et j'ai observé. Sous le toit de la marquise, à l'angle de la gouttière, j'ai vu la plus belle toile d'araignée du monde, formule mathématique parfaite dépliée dans l'espace, rejoignant avec l'élégance de la perfection la ligne droite de la tuile et la courbe de la gouttière, rectitudes décrivant une courbe, un petit chef d'œuvre d'un instant, d'une journée, si joli piège. Derrière le sapin, un avion tirait son trait de craie sur le tableau bleu du ciel, le rendant palpable et surface. Les contreforts de la montagne étaient bleus, de ce bleu des matins d'automne. La grue du chantier voisin tournait sur elle-même, transportant une grande grille qui semblait si fragile au bout du câble, autre toile d'araignée. Le monde était en route, ma journée pouvait commencer. De bonne heure...

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mercredi 19 septembre 2007

Le retour du Guide des Convenances!

Et hop, me voici de retour, tadam!!!! Bon, d'accord, ça fait presque un mois que je n'ai rien posté sur ce blog, rapport au fournisseur d'accès qui disait des trucs comme quoi, faute d'avoir été payé, il faisait la tête... J'vous jure!

Mais tout ceci n'est que mauvais souvenir à partir d'aujourd'hui et voici donc la suite du Guide des convenances avec le mariage. Oyez braves gens!


Après les fiançailles, le trousseau de la future mariée. Je vous épargne la description des différents trousseaux, de 300 à 6 000 francs (pour donner une idée des prix, une paire de draps de toiles coûte 23 francs dans la liste de base, une paire de draps à jours à marque brodée coûte 58 francs pour la liste la plus onéreuse).

Comment marquer son trousseau:

Le linge de corps de la jeune fille se marque des initiales de son prénom et de son nom de femme, le linge de la maison aux initiales des deux familles.

Par exemple, si Mlle Berthe André épouse M. Jean Durand, le linge de corps de la femme sera marqué BD (Berthe Durand), le linge de corps du mari sera marqué JD (Jean Durand), le linge de maison sera marqué AD (André Durand).

Les initiales brodées se placent toujours dans un endroit très apparent, les marques au fil rouge se mettent dans un endroit peu visible (à quoi correspondent ces marques au fil rouge?)

La marque doit se mettre de façon à avoir la lisière de l'objet à gauche.

Les draps sont marqués au pied, avec la lisière à gauche; les mouchoirs, les nappes, (suit la liste des emplacements pour chaque élément du trousseau). Les initiales brodées se placent sur les draps, au milieu, à 15 ou 20 cm au-dessous de l'un des ourlets. Pour les initiales des taies d'oreiller, on les place à 10 ou 20 cm au-dessous du sommet, selon la longueur qu'ils auront. Quelques personnes placent les initiales de biais sur le côté gauche de la taie d'oreiller (soyons fous!).

La corbeille:

Voici la composition d'une corbeille riche.

• Collet de zibeline ou jaquette de loutre ou d'astrakan
• Robes en pièce, une en velours, l'autre en soie, satin, brocart, faille, damas
• Dentelles anciennes et modernes: Chantilly, Alençon, Bruxelles, Malines, Bruges, etc.
• Éventails de bal et de soirée: un ancien et deux modernes, l'un en dentelle, l'autre en plumes noires ou blanches, monté sur écaille avec ses initiales futures en or ou en diamants
• Une jumelle de théâtre
• Une ombrelle
• Un écrin contenant un porte-cartes et un porte-monnaie (parce que la mariée aura le droit d'utiliser de l'argent pour payer quelque chose??? Mais c'est répugnant!)
• Une longue chaîne sautoir en or avec perles
• Des bagues anciennes
• Une parure en brillants composée d'une paire de boucles d'oreilles, d'une broche, d'un bracelet, d'une branche de corsage, d'une aigrette pour les cheveux
• Une montre mignonne (beurkkkk) avec les initiales de la future mariée
• Un rang de perles
• Une trousse en or, dont la bourse à mailles contient des pièces neuves (le détail qui fait la différence…)
• Un joli sac de voyage avec nécessaire de toilette
• Une pièce de mariage en or avec dessins allégoriques spéciaux
• Un missel enluminé

Composition d'une corbeille modeste:

• Une paire de boucles d'oreilles avec brillants
• Une chaîne sautoir et une montre en or
• Une broche et un bracelet en or
• Une robe de satin et une robe de drap
• Une parure et un manchon en astrakan, en loutre, en mongolie, en castor
• Une pièce de guipure noire et une pièce de valenciennes
• Un éventail en satin pailleté monté sur écaille
• Un sac de voyage en maroquin, un porte-cartes et un porte-monnaie
• Deux pièces neuves pour le mariage

Cadeaux que la jeune fille peut offrir à son fiancé:

Ils sont peu nombreux et peu variés. Autrefois l'usage voulait que la jeune fille offrit la chemise et la cravate de noce, cette coutume nous semble actuellement risible et surannée! (Hu hu hu…) Les cadeaux qu'elle peut offrir sont: un gilet, une cravate, des mouchoirs brodés de ses blanches mains, des boutons de manchette, une épingle de cravate, une parure de chemise. La jeune fille peut aussi offrir un livre avec une dédicace (si elle a appris à lire et à écrire en prévision de l'émotion qu'elle ressentira en suivant les progrès des futurs héritiers).

Comment on partage les frais:

Le fiancé fournit la corbeille, achète les meubles, tapis, tentures, chevaux et voitures. La mère de la jeune fille fournit le trousseau, c'est-à-dire la literie, le linge de maison, des gens de maison et le linge personnel de sa fille.

Cadeaux de mariage:

Les amis intimes, les témoins, les parents des fiancés, tous les invités de la noce doivent faire un cadeau. À son envoi, le donateur épingle sa carte; lorsqu'il y a plusieurs donateurs cotisés pour un seul objet, on écrit les noms sur une seule carte. L'argenterie domine dans ces cadeaux: plats en argent, réchaud, couverts de table, couverts à poisson, à entremets, petites cuillers, cuiller à verre d'eau (?????), couteaux de dessert, etc.

Pour chiffrer ces objets d'argenterie, on met simplement les initiales du jeune ménage; s'il y a des armoiries, on mettra les armoiries ou le blason des deux maisons en les accolant. On pourra également mettre soit le chiffre, soit la couronne. On ne peut pas mettre les deux ensemble. (Et puis quoi encore, j'vous jure… Les deux ensemble… J'en ris encore!)

L'exposition des cadeaux se fait sur de longues tables. Des domestiques sont chargés de la garde des cadeaux car il est difficile au milieu des allées et venues de la foule, de ceux qui palpent, examinent les objets, de distinguer les vrais invités de ceux qui s'introduisent avec des intentions malveillantes. Le trousseau est souvent étalé à côté des cadeaux offerts, je trouve ce procédé vraiment un peu sans gêne et, à mon avis, il est bon de s'en abstenir. (Bien la peine de s'escagasser les yeux à broder les initiales à 10 cm du bord des draps!)

Le trousseau et la corbeille de mariage s'exposent dans la soirée de la signature du contrat. Ils restent exposés jusqu'au jour du mariage et sont visités pendant le lunch.

Dans beaucoup de familles aristocratiques on a aboli l'exposition de la corbeille. On s'en dédommage en envoyant aux journaux la liste des cadeaux offerts et le nom des donateurs.

Le contrat:

La signature du contrat se fait quelques jours avant la célébration du mariage, elle a lieu chez le notaire ou chez les parents de la fiancée. En réalité il n'y a que les signatures à apposer, la lecture est une simple formalité car les clauses du contrat ont été débattues et mûrement étudiées à l'avance. Les deux fiancés n'auront jamais pris part directement à ces discussions, ils doivent feindre même de les ignorer (qui a prononcé le terme d'hypocrisie?).

La mode qui supprime de plus en plus les fêtes pompeuses le jour du mariage les reporte à la signature du contrat; on donne un grand bal. Il y a certainement une idée heureuse dans cette innovation: la fiancée est plus libre d'esprit que le jour du mariage et ces réjouissances ne précèdent pas de quelques heures seulement la séparation d'avec sa famille. Elle sera plus gaie, plus en possession de son sang-froid, s'occupera de tous sans arrière-pensée; sa toilette, blanche ou rose, sera déjà un peu "dame" sans affectation, avec un décolletage à peine indiqué; elle ne se parera pas encore des bijoux de sa corbeille, seule sa bague de fiançailles brillera au quatrième doigt de la main gauche. Elle pourra aussi porter ses petits bijoux de jeune fille et les distribuer gracieusement à ses demoiselles d'honneur à la fin de la soirée.

C'est la fiancée qui ouvre le bal avec son fiancé; sa deuxième danse revient au notaire et les suivantes aux garçons d'honneur successifs. Mais il ne convient pas que la fiancée danse beaucoup; elle doit se tenir avec une réserve digne, gracieuse pour tous les invités mais à l'écart des distractions trop bruyantes; que les jeunes filles et jeunes gens s'en donnent à cœur joie, cela est permis, la future mariée n'en fait plus partie désormais.

Les lettres de faire-part ne sont pas cachetées. Elles doivent être très nombreuses; toutes les relations, les fournisseurs, les domestiques même doivent en recevoir (sont-y gâtés!).

Formalités légales du mariage:

Pour que le mariage civil puisse être célébré, il doit y avoir consentement des deux conjoints. Le fils et la fille qui n'ont pas vingt et un ans révolus ne peuvent contracter mariage sans le consentement des pères et mères. S'il y a conflit entre le père et mère, le consentement du père est suffisant mais la mère doit être consultée. Si l'un des parents est mort, le consentement de l'autre suffit (sic) mais l'acte de décès doit être présenté.

Bien que les enfants aient atteint l'âge de vingt et un ans révolus, jusqu'à trente ans accomplis, ils ne peuvent se marier sans avoir demandé le consentement de leurs parents; à défaut de ce consentement, l'intéressé fera notifier l'union projetée à ses père et mère ou à celui des deux dont le consentement n'est pas obtenu. Trente jours francs écoulés, après justification de cette notification, il sera passé outre à la célébration du mariage. Cette notification doit être faite, même si les enfants ont été mariés une première fois, s'ils n'ont pas atteint l'âge de trente ans.

Les enfants déposés dans un hospice ne peuvent se marier, jusqu'à vingt et un ans révolus, sans le consentement de la commission administrative de l'hospice.

Les militaires doivent, outre le consentement de leurs parents, justifier de la permission de leur chef.

Les pièces que l'on doit remettre à l'officier d'état-civil sont: les actes de naissance des deux conjoints, le consentement des ascendants ou l'acte constatant l'impossibilité dans laquelle ils sont d'être consultés: absence, cas de folie, d'imbécillité (pièce qui n'est pas exigée lorsque les ascendants sont présents), l'acte de décès des parents morts.

Mariage civil:

Le marié est en redingote, pantalon gris, chapeau haut de forme, gants clairs. La mariée en élégant costume de visite, de couleur moyenne.

Le marié fait chercher par des voitures ses témoins qui sont conduits directement à la mairie; lui-même, avec ses parents, se rend chez sa fiancée. La fiancée monte avec son père et sa mère dans la première voiture. Les deux dames sont au fond. Dans la seconde viennent le marié et sa famille, le marié se trouve sur le devant.

C'est la jeune mariée qui signe l'acte la première, sur le registre de l'état-civil; elle passe la plume à son nouvel époux qui la prend en disant: "merci, Madame", lui donnant ainsi, le premier, son nouveau titre. À partir de cet instant on peut l'appeler ainsi mais il est de bon ton d'attendre la fin de la célébration du mariage religieux pour lui donner ce titre.

Le mariage civil doit être célébré à la mairie, les portes grandes ouvertes.

Le mariage civil est gratuit mais il est obligatoire de donner une gratification au garçon de service et de déposer dans le tronc une offrande pour les pauvres de l'arrondissement (une dragée en plâtre, un tricot couleur cachou, une image religieuse sur carton?) ou pour le bureau de bienfaisance. Cette offrande doit être au moins de vingt francs.

La soirée qui suit ce dîner doit être courte; tous les invités se retirent de bonne heure, et le jeune marié se retirera avec eux (s'agit quand même pas de penser qu'un simple mariage civil permet toutes les familiarités!).

Le mariage catholique:

L'Église catholique interdit le mariage du premier dimanche de l'Avent jusqu'à l'Épiphanie et du mercredi des Cendres jusqu'à l'octave de Pâques. Pour contracter mariage pendant ces deux périodes de temps prohibé, il faut une dispense spéciale qui doit être demandée à l'archevêché (bureau de l'officialité). Cette dispense coûte 6 francs.

Il faut de même, une dispense pour les mariages entre parents. Elle s'obtient par une demande au même bureau. Son prix varie selon la fortune des futurs conjoints.

Les bans doivent être publiés à la messe paroissiale pendant trois dimanches consécutifs. Pour obtenir la dispense d'une ou plusieurs publications de bans, il faut indiquer des motifs et payer une rétribution. On obtient aisément la dispense de la troisième et de la seconde publication. C'est pour un motif très sérieux qu'on obtient la dispense des trois, pour éviter un scandale par exemple. Le rachat d'un ban est de 2 francs.

(Tarifs moyens usité dans les paroisses de Paris: de la dixième classe à 6 francs jusqu'à la première classe à 1 500 francs)

Toilette de la mariée, du marié, des invités:

Tout doit être blanc dans cette toilette de noce: le corset, le linge, les jupons, celui du dessus en damas blanc avec un haut volant de dentelle posé sur d'autres volants de taffetas ou de mousseline de soie blanche. Les bas sont en soie blanche, les souliers moyen âge en peau blanche. La traîne a environ 2,50 m à 3 m pour une robe de satin, 2 m pour une robe de laine.

Le marié porte l'habit noir, le pantalon noir, le gilet noir ou blanc, cravate blanche, gants blancs, souliers vernis, chaussettes de soie noire et claque ou chapeau haut de forme.

Les demoiselles d'honneur sont en robe de couleur claire, rose, bleue, mauve, paille, Pompadour, à rayures Louis XIV, en couleur changeante. Une petite bourse, assortie à la robe et garnie de fleurs et de dentelles, accompagne chaque toilette. Les demoiselles d'honneur sont en taille (?), elles ont un chapeau habillé, garni de plumes le plus souvent. Lorsqu'elles sont en deuil, les demoiselles d'honneur se mettent en blanc.

Les garçons d'honneur, à partir de 16 ans, - il faut aussi tenir compte de la taille, - sont en habit, même toilette que le marié. Au-dessous de 16 ans, ils sont en smoking à revers de soie, avec chapeau melon noir.

On ne se fait pas friser, c'est tout à fait commun, ni surtout pommader outre mesure.

Les manteaux sont laissés en bas de l'église au bras d'une domestique.

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