samedi 22 septembre 2007

Ecriture

Qu'écrire? Sur qui, quoi, pourquoi, comment? À quoi correspondent ces périodes où le sang tourne en encre? Qu'il y a-t-il de changé en moi depuis que j'ai déposé ainsi ces souvenirs d'enfance? Sont-ils amoindris, enkystés, consolidés?

Ma mère dit qu'après avoir écrit les chroniques que je lui avais demandées, elle s'est retrouvé en quelque sorte dépouillée, appauvrie devant des écrits qui ressemblaient plus à des papillons épinglés qu'à une richesse jusque là interne et tue. Valait-il mieux qu'elle les garde en elle ou qu'elle nous les fît partager? Ces récits sont devenus des éléments d'une légende familiale, mais aussi légendes d'images qui ne nous sont pas accessibles, comme la bande-son d'un film qui se déroule dans une autre tête. D'un côté ces textes, de l'autre des albums-photos dont un jour plus personne ne pourra dire de quels humains ils ont fixé les instants. Est-ce si important de le savoir? Le temps passé à archiver, légender justement, ce temps pris sur un présent, deviendrait une offrande à qui? À quoi? À la peur de mourir, d'oublier, d'être oublié?

Dans mes chroniques d'enfance, essais d'écriture, je me suis cantonnée à des images toutes personnelles, ne souhaitant pas évoquer des personnes de mon entourage, même passé, par pudeur, prudence ou timidité. De fait, au lieu de narrer des anecdotes, je me suis plutôt livrée à une sorte de gymnastique mentale, m'allongeant en quelque sorte sur le molleton de mes souvenirs et me laissant m'enfoncer dans cette texture, jusqu'à ce que les sensations reviennent. Plutôt moi qui descendais qu'elles qui remontaient, jusqu'à ce que je retrouve la qualité de l'état d'esprit et les sensations de l'époque, comme si je revisitais ma tête de petite fille. Alors, finalement, j'ai sans doute figé des moments de cette enfance, en réactivant ces souvenirs je les ai étiquetés comme vérité "posthume" à elle, mais j'ai parallèlement créé chez moi une autre mémoire, celle de ces recherches et de ces temps d'écriture. Sans doute que si un jour je cherche à les retrouver, je tomberai tout d'abord sur le souvenir de ces heures passées à les rassembler. Le souvenir du souvenir? Celui du processus mental qui me permet de tirer la ficelle d'une sensation jusqu'à faire remonter à la surface une grappe de mots.

Maintenant, qu'en est-il de cette envie d'écrire? Elle est toujours là, elle se résout en de nombreux échanges épistolaires, en la tenue d'un journal de bord autour du phénomène de l'attente, mais ce ne sont pas choses à partager dans le cadre du faux anonymat d'un blog.

Alors je crois que j'aime écrire comme j'aime dessiner, dans la description, dans l'anodin, dans le passage de la perception d'éléments infimes mais en dehors d'un projet plus vaste. Comme ces têtes d'animaux en laine feutrée, pas tout à fait la vie, pas tout à fait la mort, un entre-deux qui sort du cadre le temps d'un regard.

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